Taille-douce

Abraham Bosse, Traité des manières de graver en taille-douce, 1645

Taille-douce versus taille forte, la douceur nous trouble

Le vocabulaire de l’estampe est particulièrement compliqué en France, ou plus exactement en français. Par exemple, notre langue est la seule où l’on rencontre les expressions de taille-douce, de taille d’épargne, d’eau-forte, de manière noire. Les autres langues ont des équivalents, certes, mais pas aussi poétiques, toujours purement techniques : intaglio en italien pour la gravure en creux en général ; engraving en anglais, Kupferstich en allemand, pour la gravure au burin ; etching pour l’eau-forte en anglais, Radierung en allemand ; woodcut et Holzschnitt pour la gravure en bois de fil, mezzotint et Schabkunst pour la gravure en manière noire, etc. L’ignorance de l’histoire des mots, hélas très répandue dans notre beau pays, n’arrange rien.

Le beau numéro (hors-série n° 31, septembre 2021) de la revue Artension, entièrement consacré à l’estampe (« L’estampe aujourd’hui, de la gravure antique à l’impression numérique ») vient d’ajouter un petit problème à ceux que nous connaissons déjà. Passim dans les légendes de certaines illustrations, puis à sa place alphabétique dans le « Petit précis de gravure » et probablement sorti plus ou moins directement de l’imagination de l’auteur dudit « précis », apparaît le terme de « taille forte » pour désigner ce que nous avons toujours appelé depuis le XVe siècle au moins « taille d’épargne », autrement dit la gravure en relief, dans le bois et maintenant aussi dans le linoléum et divers produits plastiques, où, creusant autour dans la matière, l’on épargne le trait du dessin afin de pouvoir l’imprimer typographiquement.

On voit bien d’où vient l’erreur : l’opposition qui paraîtrait nécessaire entre l’épithète « douce » et ce que l’on considère comme son contraire. J’ai souvent entendu dire, et même lu (horresco referens), que si le burin était de la taille-douce, l’eau-forte s’y opposait naturellement. Ce ne peut être que propos d’ignorants, qui n’ont jamais vu un acide attaquer un cuivre ou un zinc bien plus brutalement que le burin ne saurait le faire, et qui ne comprennent pas qu’il faut pour graver au burin bien plus d’adresse que de force, et surtout un outil bien affûté.

Abraham Bosse, « La gravure au burin »,
dans Traité des manières de graver en taille-douce, eau-forte

Antoine Furetière, dans son Dictionnaire universel (1690), n’est pas très explicite ; il écrit simplement, au mot « taille » : « Se dit aussi de certaines manières de gravures et de sculptures. On appelle taille douce [sic sans trait d’union] les images dont la gravure est faite avec le burin sur des planches de cuivre ». On notera que dès ce moment, il est manifeste que les artistes français ont le talent extraordinaire de graver « sur » et non pas « dans », comme si creuser en surface faisait partie de notre génie national. Furetière ajoute qu’on appelle « tailles de bois (les images) dont les planches sont de bois, et dont la gravure diffère des autres en ce que dans celles de cuivre ce sont les parties enfoncées qui marquent les traits, et au contraire, ce sont les parties élevées qui les marquent en celles de bois ». On voit que la douceur de la taille n’évoque rien pour le lexicographe.

De même à l’article « doux », mot qui, selon lui, « se dit encore de plusieurs autres choses, comme des métaux. Le fer doux, qui est différent de l’aigre, en ce qu’il est moins cassant. On le dit de même du cuivre et de l’étain. Ce qui rend les métaux plus doux, c’est quand ils ont passé plusieurs fois par le feu ou par la forge ». Furetière est tout prêt de la vérité qui nous intéresse, mais il ne fait pas le lien nécessaire.

Quant au Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey (1992), il patauge, déclarant que le mot est « peut-être emprunté à l’italien, cette technique ayant été mise au point à Florence au XVe s. » et qu’il « désigne un procédé de gravure sur support métallique moins dur que l’acier (cuivre, puis zinc) ». Là, il se rapproche un peu de ce que je crois être la vérité.

J’ai proposé une solution dans ma préface à un remarquable travail d’Henriette Pommier, Au Maillet d’argent. Jacques Fornazeris graveur et éditeur d’estampes, Turin-Lyon, vers 1585-1619 ? (Genève, Droz, 2011). Sous le n° 45/2 du catalogue de l’œuvre gravé (au burin) de Fornazeris, qui montre le futur Louis XIII enfant en train de recevoir de son père Henri IV quelque éducation, se trouvent huit vers du père Louis Richeome, auteur du Catéchisme royal (1607) où figure cette estampe. Les deux premiers vers sont : « C’est Henry très chrétien, très vaillant, très bénin / Que tu vois figuré sur cette lame douce… ». Lame douce est évidemment synonyme de taille-douce.

En effet, le mot de lame signifie « plaque de métal laminée », du latin et de l’italien « lamina ». Elle est douce car elle est constituée d’un métal « doux », c’est-à-dire traité pour être malléable, flexible et non cassant, à l’inverse du métal « aigre ». Et comme les graveurs font des tailles dans ces lames douces, le syntagme « taille-douce » s’est formé naturellement. L’appellation de « taille forte » est donc un pur fantasme à éliminer des catalogues sérieux.

Maxime Préaud

Thomas Bayrle

Vue d’ensemble (Cl. Jean-Marie Marandin)

Ou la réinvention du medium gravure (suite).

J’ai évoqué dans un billet précédent (Liège en suite, 8 octobre 2021) la notion, proposée par Rosalind Kraus, de « réinvention d’un medium » afin de rendre compte de ce qui faisait à mes yeux l’originalité et l’intérêt de la Triennale internationale de gravure contemporaine de Liège. C’est le même geste artistique qui me semble sous-tendre la cohérence plastique et conceptuelle des trois œuvres de l’artiste allemand Thomas Bayrle présentées par la galerie berlinoise Neugerriemscheider dans le cadre de la FIAC 2021. Je privilégie ici l’une d’entre elles : La chapelle Brancacci.

Un médium artistique est un ensemble de techniques associées à des outils, des matériaux et des manières de faire ; c’est ce que les anthropologues appellent une chaîne opératoire. La chaîne opératoire génère, sur le temps long, une culture. Par culture, on entend des usages, des valeurs et les discours qui donnent sens aux œuvres produites. Réinventer un medium, c’est modifier, développer, renouveler, enrichir la chaîne opératoire et/ou la culture qui lui est intrinsèquement attachée.

La chapelle Brancacci se présente comme une installation qui occupe tout l’espace intérieur du stand de la galerie et une paroi extérieure. Les murs sont couverts d’un papier peint qui répète un même motif ; Bayrle a fabriqué ce motif à partir d’un dessin scanné puis numérisé. Il intègre dans ce fond des représentations d’arbres obtenues à partir du même motif ; certains de ces motifs ont été modifiés informatiquement (par déformation dynamique). Enfin, il appose sur les murs trois œuvres sur toile d’après trois fresques peintes par Masaccio et Masolino da Panicale dans la chapelle Brancacci (chapelle de l’église Santa Maria del Carmine à Florence) : Adam et Eve chassés du jardin d’Eden, La Guérison de l’infirme et Le Paiement du tribut. Ces trois « reproductions/interprétations » sont fabriquées avec le même motif (avec ou sans déformation) et sont rehaussées à la main en rouge, orange et bleu ; on pense immédiatement aux estampes gravées sur bois et colorées à la main au tout début de la gravure.

Motif de base

Il est évident que la chaîne opératoire de la gravure traditionnelle est bouleversée : le « gravage » d’une matrice est remplacé par la programmation d’un fichier numérique et à la presse pour l’impression se substituent l’imprimante (machines à imprimer le papier peint pour La chapelle Brancacci) ou la photocopieuse (pour l’œuvre Auto exposée sur une paroi extérieure du stand). Mais, il est tout aussi évident que subsiste la structure en deux temps de la chaîne opératoire traditionnelle de l’image imprimée : la conception et la fabrication de l’image est distincte de sa révélation par impression sur un support. La programmation d’une « matrice » permet de multiplier l’œuvre et le fait qu’elle soit numérique, de l’imprimer sur divers supports et dans diverses dimensions.

Ce qui est frappant (du moins, ce qui m’a frappé), c’est que la culture associée à la gravure donne sa cohérence d’œuvre à l’ensemble. Trois caractéristiques de cette culture sont mobilisées tout en étant renouvelées : la possibilité de la grande dimension, la répétition de l’image et l’interprétation des œuvres d’art.

La gravure est, dès le début du XVIème siècle, le moyen de produire des images de grandes dimensions et de les multiplier ; par exemple, L’arc de triomphe de Maximilien Ier, entreprise à laquelle Dürer a participé, a été tiré à 700 exemplaires en 1517-1518 et mesure 2,95 mètres sur 3,57 mètres. Au XIXème siècle, elle est adoptée par l’industrie du papier peint alors en plein boom ; on peut voir les machines imprimantes avec des matrices en cuivre au Musée du papier peint de Rixheim dans la banlieue de Mulhouse (la sérigraphie, l’offset ont ensuite pris le relais au XXème siècle). Bayrle se réapproprie cet usage « industriel » qui avait été éclipsé dans la sphère artistique par un autre usage, celui de la production d’images de petit format dans la forme édition. Il l’adopte pour fabriquer une œuvre immersive et pour définir son alphabet formel.

La composition du papier peint, des figures végétales apparaissant dans le papier peint, ainsi que celle des toiles « interprétant » les fresques de Masaccio et Masolino repose sur la répétition du même motif.  La gravure est historiquement la première technique mécanique de répétition des images ; c’est sa caractéristique essentielle. Bayrle répète une image non seulement pour produire des œuvres qui peuvent être re-produites et multipliées, mais aussi pour former les images qui composent ces œuvres reproductibles. On a longtemps considéré que le trait et la tache étaient les composantes de base des images ; la photographie et les techniques numériques ont introduit le pixel et la trame. Ici, c’est une image qui est la composante de base selon un principe de composition quasi fractal: une image faite d’images. On peut rapprocher ce principe de composition de celui des graveurs qui fabriquent leurs images en combinant plusieurs matrices (dans ce cas toutes différentes) selon des principes combinatoires variés (que l’on pense aux gravures sur gomme de Kiki Crêvecoeur ou à celles de Clémence Fernando à partir de manières noires).

Arbre dans le papier peint

Enfin, Bayrle continue la tradition de la gravure de reproduction/interprétation en proposant une installation « all over » comme peut l’être une chapelle couverte de fresques. On ne souligne pas assez que la gravure d’interprétation, c’est une transposition, une traduction pour reprendre le terme utilisé par Diderot. Cette transposition n’a jamais été  une reproduction au sens photographique qui nous est devenu habituel ; en faisant appel à son répertoire technique propre, la gravure de reproduction/interprétation laisse de côté les propriétés phénoménales de l’image source : quand elle interprète une peinture, ce qui la caractérise visuellement (couleur, tonalité, texture, luminance, etc.) disparaît. De plus, comme le rappelle l’historien de la gravure William Ivins, les graveurs ou les ateliers développèrent leurs manières de fabriquer les images interprétantes indépendamment des œuvres interprétées. C’est ainsi qu’il y a une manière italienne (Pollaiuolo, Mantegna, Raimondi, etc.) et une manière allemande (Dürer, etc.) d’interpréter : les manières de disposer les traits de contours et les traits de valeur sont différentes, elles sont propres à chacune de ces deux traditions et appliquées quels que soient le style ou l’apparence des œuvres sources. C’est exactement ce que fait Bayrle : il interprète les fresques qui se trouvent dans la chapelle Brancacci en utilisant son vocabulaire propre : le motif qui lui sert pour fabriquer « sa chapelle ».

On remarquera incidemment la très grande présence de l’histoire de la gravure chez les artistes contemporains allemands quand ils recourent à la gravure (par exemple chez Anselm Kiefer ou Thomas Kilpper).

Ma présentation des œuvres de Bayrle fait appel à un point de vue particulier sur l’histoire et la philosophie de l’art. On peut discuter de la pertinence de ce point de vue. Je n’ai retenu de la chaîne opératoire de la gravure que sa structure en deux temps (conception/fabrication d’une matrice, réalisation de l’image « contenue » dans la matrice) ; j’ai laissé de côté les propriétés plastiques des images produites en gravant une matrice matérielle et en imprimant avec une presse (modelé des traits, densité des champs d’aquatinte, jeux avec la lumière induits par l’empreinte, etc.). Si on considère ces propriétés plastiques comme inhérentes au medium gravure, on peut alors considérer que les œuvres de Bayrle (présentées ici) relèvent du medium image imprimée, historiquement issu du medium gravure, où survivent (au sens de Aby Warburg) trois des caractéristiques de la culture liée à la gravure traditionnelle.

Jean-Marie Marandin

Paysage et estampe – 9

Thomery en Val de Loing

Poursuivant notre voyage en Val de Loing, un lieu privé nous convie à faire étape : le château de By, qui trouverait son origine au XVe siècle, d’abord en tant que rendez-vous de chasse puis résidence d’un Officier de la Cour de Fontainebleau. Les bâtiments actuels datent en fait principalement du début du XVIIe siècle… Situé sur la commune de Thomery, ce qui est devenu aujourd’hui un lieu muséal fut, pendant quarante ans, à partir de 1859, la demeure et atelier de Marie Rosalie Bonheur, alias Rosa Bonheur, artiste peintre et sculptrice animalière.

Le château de By à Thomery
(Cl. Archives départementales de Seine & Marne)

Rosa Bonheur est une artiste hors des normes, qui mérite d’être évoquée, non seulement parce qu’elle fut une figure artistique marquante du Val de Loing, mais aussi du fait de sa renommée qui devait s’étendre bien au-delà de nos frontières. Elle est fille d’un peintre et professeur de dessin, Raymond Bonheur, qui avait découvert et adhéré à la doctrine du Saint-Simonisme, prônant l’émancipation de la classe ouvrière, mais aussi des femmes : des pensées qui, au XIXe siècle, étaient novatrices mais généralement peu comprises, voire rejetées par l’aristocratie et la gent masculine.
La petite Rosalie se montrant douée pour le dessin, son père l’avait alors poussée à développer ses capacités artistiques et à s’épanouir dans sa passion naissante. Cependant, délaissant bientôt les siens par son adhésion à ce mouvement idéologique, il laissa paradoxalement sa famille dans une situation d’abandon, jusqu’à sombrer dans la misère et Sophie, sa femme, en mourut. Un vécu qui devait marquer profondément Marie Rosalie, qui en éprouva sans doute une certaine distanciation vis à vis des hommes, préférant le célibat et la compagnie des femmes. Mais sa grande motivation fut sa liberté d’être et pour cela, son indépendance financière. Aussi travailla-t-elle son art avec opiniâtreté, s’y consacrant de toute son âme, et participant à de grandes expositions.

Rosa Bonheur
Manière noire (1896) de Joseph Bishop Pratt,
d’après Consuelo Fould
© The Trustees of the British Museum

Elle fut une personnalité locale hors norme, à plus d’un titre, gagnant une notoriété internationale. Marie Borin, en avant-propos d’une biographie sur l’artiste Rosa Bonheur, écrit : « Rosa Bonheur, peintre du XIXe siècle (1822-1899), a fait briller la France dans le ciel d’Angleterre et des États-Unis pendant plus d’un demi siècle. Elle a contribué à donner aux femmes une autre idée d’elles-mêmes que celle imposée par l’obscurantisme misogyne ». Il lui fallut se distinguer dans cet univers essentiellement masculin qui baignait la société. Le goût pour la nature et la représentation animale était alors dans l’air du temps. On en trouve des exemples dans l’école de Barbizon, mais d’autres artistes d’essence naturaliste comme par exemple le peintre Constant Troyon (1810-1865), s’y adonnent.

Rosa Bonheur partageait ce sentiment. Ce qui lui fit quitter son atelier parisien du 32 de la rue d’Assas pour gagner le château de By qu’elle acheta grâce à la vente de ses œuvres. Faisant appel à un architecte, Jules Saulnier, elle y fit construire un grand atelier de style néogothique. Un lieu idéal pour s’adonner pleinement à son art, tout en cultivant une personnalité atypique pour son époque. Indépendante d’esprit, elle s’habillait en homme, ce qui était alors interdit aux femmes, sauf par autorisation spéciale obtenue auprès de la Préfecture de police (loi du 16 Brumaire l’an IX ou 7 novembre 1800) “au vu du certificat d’un officier de santé”. Elle portait les cheveux courts et fumait des havanes. Elle aima des femmes : ainsi les artistes peintres Nathalie Micas (1824-1889) et Anna Elizabeth Klumpke (1856-1942), qui partagèrent successivement sa vie,… et sans doute une liaison avec la cantatrice Marie Caroline Miolan-Carvalho, qui fut en mars 1859 la première Marguerite dans Faust de Gounod, sur la scène parisienne du Théâtre Lyrique, et qu’elle aurait fréquentée entre 1866 et 1872. Cela dit, tout au long de sa vie, elle contribua à affirmer le rôle de la femme dans le milieu artistique.

Attirée par les grandes compositions, Rosa Bonheur ne toucha pas à l’estampe. D’autres s’en chargèrent pour elle, participant à la reproduction et la diffusion de ses œuvres, lithographie ou gravure. Son grand succès est dû à “The Horse Fair”, le “Marché aux chevaux”, qui fut exposé grâce à Ernest Gambart, marchand d’art et alors agent de l’artiste, en mai 1855 à Londres, lors de la seconde Exposition annuelle de l’École française des Beaux-Arts. Ce qui fera écrire à William Rossetti, dans “Art News from England”, que Rosa est : « Une femme merveilleuse, une femme sans précédent en Art pour sa force et ses capacités dans tous les domaines. »

“The Horse Fair” Rosa Bonheur
Étude préliminaire et huile sur toile © The Met
Gravure de William Henry Simmons © British Museum

Cette peinture montre un marché aux chevaux qui s’est tenu à Paris sur le boulevard de l’Hôpital, près de l’asile de la Salpêtrière, dont on devine dans le fond à gauche le dôme de la chapelle Saint-Louis. L’étude préliminaire (craie noire, lavis de gris, rehauts de blanc sur papier beige), qui mesure 13,7 x 33,7 cm, donnera une huile sur toile (1852-1855) de 244,5 x 506,7 cm. Quant à l’estampe, réalisée en 1871 par William Henry Simmons (1811-1882), elle serait une gravure mixe, eau-forte et manière noire, de 31,2 x 49,4 cm.

Si Rosa Bonheur ne fut pas graveuse, la lithographie et la gravure participèrent à la diffusion de ses huiles, qui furent nombreuses, et justement récompensées. Déjà, à l’Exposition universelle de Paris, la “Fenaison en Auvergne” avait reçu une médaille d’or. Aux salons de 1848 et 1855, elle fut la première artiste féminine à recevoir la croix de la Légion d’honneur au titre des Beaux-arts, de la main même de l’impératrice Eugénie, qui se rendit tout spécialement à By, le 10 juin 1865, pour lui remettre sa distinction de Chevalière. Elle fut promue officière de cet ordre en avril 1894 et fut la première femme à recevoir la “rosette”, le 12 mai, de la part du président de la République Sadi Carnot. Et Marie Borin d’ajouter dans sa bibliographie : « La visite du président de la République, comme celle trente ans auparavant de l’impératrice de France dans l’atelier d’une peintre, et la Légion d’honneur, marquent la reconnaissance officielle du pouvoir politique d’un lieu féminin de création, légitimant aux yeux de tous la liberté artistique des femmes. »
L’ultime récompense que reçut Rosa Bonheur fut, clôturant une liste impressionnante distinctions artistiques, celle posthume de Médaille d’honneur du salon de la Société des Artistes Français, le 29 mai 1899.
Un monument portant le grand bronze d’un taureau réalisé d’après une de ses statuettes animalières, lui fut dédié, offert par Ernest Gambart à la ville de Fontainebleau et érigé en 1901 sur la place Denecourt (devenue aujourd’hui place Napoléon Bonaparte). Mais, durant l’Occupation, suite à la loi du 11 octobre 1941 promulguée par le régime de Vichy, il sera, comme nombre de statues en France, démonté pour être fondu au bénéfice de l’Allemagne.

Pour l’anecdote, signalons que Rosa Bonheur reçu dans son atelier, le 25 septembre 1889, un certain colonel Cody, plus connu sous le nom de Buffalo Bill, qu’elle avait rencontré lors de l’exposition universelle de Paris où il présentait son spectacle du Far West. Une association, créée en 2005 par Éliane Foulquié : « Les amis de Rosa Bonheur”, s’attache à promouvoir l’œuvre de l’artiste et à faire connaître sa vie et les lieux où elle a vécu. Quant au château de By (12, rue Rosa Bonheur – 77810 By-Thomery), ex-propriété des descendants de la famille d’Anna Klumpke, il est rouvert au public, après les travaux de rénovation entrepris par sa nouvelle propriétaire, Katherine Brault.
Un lieu de mémoire (www.chateau-rosa-bonheur.fr), presque inchangé depuis le décès de Rosa Bonheur, à découvrir absolument ! Et pour qui en souhaiterait en apprendre plus, une biographie est à conseiller, celle de Marie Borin, intitulée : “Rosa Bonheur, une artiste à l’aube du féminisme” (Pygmalion, 2011).

(à suivre)

Gérard Robin