Saint-Mihiel : arts du livre

Première biennale des arts du livre
Saint-Mihiel 55300
du 8 au 24 juin 2018
www.afcel.fr

Étape souhaitée sur la future « Route du patrimoine écrit », un ambitieux projet porté par la région et la DRAC-Grand-Est, la ville de Saint-Mihiel, lovée dans la vallée de la Meuse, a plusieurs atouts, à commencer par la présence de l’abbaye bénédictine Saint-Michel, siège, entre autres, de l’Hôtel de ville, et qui renferme une bibliothèque remarquable, réunie par les Bénédictins du IXe siècle à la Révolution : près de 9 000 livres, dont 74 manuscrits et 86 incunables. Déjà, dans les années 1980, une première biennale du livre avait été organisée, qui perdurera durant deux décennies… D’où le désir actuel de renouer avec l’esprit de cet événement, en créant la BIAL ou « Biennale internationale des arts du livre (et de l’estampe) », à l’initiative de Jean-François Chassaing, président de l’AFCEL, l’Association française pour la connaissance de l’ex-libris, cela avec le soutien du maire, Xavier Cochet, et de la municipalité, s’y ajoutant le partenariat de l’Association des amis de la bibliothèque bénédictine.

La salle capitulaire de l’abbaye (C!. Gérard Robin)

Point d’orgue de la manifestation, dans la belle salle capitulaire, les eaux-fortes intemporelles, évocatrices d’architectures oniriques, du talentueux Gérard Trignac : « Le royaume des Immobilités Immortelles ». Des visions superbes et étranges, auxquelles ombres et lumières donnent un relief saisissant, qui ne sont pas sans laisser sourdre une certaine angoisse existentielle, voire une symbolique de vanité. Autre exposition intéressante, sise dans le cloître nord, en forme de cabinet de curiosités, couvrant les murs sans ouvertures, celle de gravures de deux collections privées, qui parcourent les siècles, du XVe au XXIe siècle, les plus anciennes marquées par le temps.

Le  cloître nord avec les collections privées (Cl. Gérard Robin)

Et puis, il y a les ex-libris, issus d’un concours international sur un thème double : « Armistice », pour les artistes de l’estampe, et « Paix », pour les scolaires. Une réussite pour le premier, puisque 128 artistes, provenant de 24 pays, ont répondu, pour un total de 211 ex-libris. Le tout masquant un mur de la salle des mariages.  Présentation qui mériterait un espace plus ample de cimaises pour mettre mieux en valeur les « vignettes ». Quatre prix furent attribués dans chaque catégorie, un choix bien difficile, compte tenu de la qualité générale des créations. Pour « Armistice », le premier prix fut décerné par la ville de Saint-Mihiel à un nouveau venu en gravure : Gildas Menier, fils de Nadejda, avec une belle manière noire au nom de sa mère, qui montre que l’acquisition du talent et du savoir-faire peuvent relever parfois du domaine de la génétique ; le deuxième, au nom de l’AFCEL, honora l’Allemand Josef Werner, pour son « Armistice 1918 » ; le troisième, dû aux Amis de la bibliothèque bénédictine, récompensa la buriniste Hélène Nué pour son « Printemps 1919 » ; et, le quatrième, sélectionné par le Géant des Beaux-Arts, mit en lumière un artiste japonais, Suenaga Motoko. Quant à « Paix », auquel tous les collèges de la Meuse étaient conviés, un seul répondit à l’appel : « Les avrils de Saint-Mihiel », avec des élèves de troisième, proposant au travers de techniques graphiques diverses quelques 25 œuvres fort attachantes…

La présentation des ex-libris du concours (Cl. Gérard Robin)

Hors le palais abbatial, dans la salle multisports voisine, eut lieu du 8 au 10 juin 2018 une exposition animée de démonstrations, avec la présence d’artistes comme Pavel Hlavaty, Claire Illouz, Silvana Martignoni, Nadejda, Hélène Nué, et d’artisans d’art, dont Michel Méchin, de l’association la Typographie d’antan ; Didier Manonviller, des Ateliers Moret et sa presse taille-douce ; Tom Borocco et Mathieu Bœglen, du Conservatoire des arts et techniques graphiques, et leur « bête à cornes »… Signalons aussi, à l’Office de tourisme, agrémenté de quelques gravures anciennes malheureusement un peu mises à l’écart, – dont la très belle « Sainte Face » de Claude Mellan -, la programmation de films de la série « Impressions Fortes », réalisés par Bertrand Renaudineau et Gérard-Emmanuel da Silva, sous les conseils de Maxime Préaud, et d’une conférence : « Quid de l’ex-libris et des techniques d’estampe ».

Donc une manifestation marquante, cependant en manque d’informations dans les offices de tourisme de Lorraine, de Vaucouleurs à Nancy ou Metz. Une impression globale qui pourrait être considérée, selon la terminologie du graveur,  comme un « état », déjà fort estimable mais à parfaire, augurant d’un cycle de biennales à venir qui seront à découvrir à tout prix.

Pour de plus amples informations sur cet événement marquant, se référer aux catalogues 2018 de l’AFCEL : « Connaissance de l’ex-libris » n° 20 (pour la BIAL), et n° 21 (pour le concours et les œuvres).

Gérard Robin

Château-musée de Nemours

« Bords du Loing et forêt de Fontainebleau, un rendez-vous d’artistes (1850-1914) »
Château-musée de Nemours (77140)
19 mai 2018 – 10 mars 2019
www.nemours.fr/culture-et-sport/le-chateau-musee

Un château devenu musée…

Datant du XIIe siècle, le château médiéval de Nemours fut édifié sur une berge de la rivière du Loing, pour en contrôler un gué alors important. Cédant plus tard son rôle de place forte et de résidence seigneuriale à un siège de bailliage avec prison (1674-1796), le lieu eut divers usages. Mais il se dégradera jusqu’à être menacé de démolition. Acquis par la Commune au début du XIXe siècle, la bâtisse trouva finalement sa survie et une raison d’être dans un projet de musée, lancé et mené à bien par des personnalités locales, tels le sculpteur Justin-Chrysostome Sanson (1833-1910), le peintre paysagiste Ernest Marché (1864-1932) et le maître-imprimeur taille-douce Adolphe Ardail (1835-1911), qui en fut le premier conservateur.

Un personnage charismatique, « tireur » de cuivre dans la maison Salmon-Porcabeuf (rue Saint-Jacques à Paris), apprécié pour son goût de la belle épreuve et son habilité d’imprimeur : il excellait notamment dans l’art du retroussage, peu pratiqué alors, et apte à donner une certaine suavité au trait. Son aura fut grande : « Être imprimé par Ardail, ou ne pas l’être du tout », disaient les artistes de cette époque, ainsi que le rapporta le collectionneur et écrivain d’art Henri Béraldi (1849-1931) dans Les graveurs du XIXe siècle, guide de l’amateur d’estampes modernes (1892). Une grande exposition lui fut d’ailleurs consacrée en 2011 et 2012, sous le titre : « Ardail, Père & Fils, graveurs et collectionneurs au XIXe siècle ».

…où l’estampe a sa part

Le Château-musée possède une grande collection de pièces diverses, dont un important fond d’estampes (3 000 pièces, allant du XVe au XXe siècle), fruit en partie de dons d’Adolphe Ardail, de son fils, et de Loÿs Delteil, célèbre critique d’art et expert parisien, et d’enrichissements ultérieurs. Aujourd’hui, sous la direction d’Arnaud Valdenaire, et de Julie Jousset, chargée des collections, le château-musée présente une exposition qui met en valeur les paysages de la région, et intitulée : « Bords du Loing et forêt de Fontainebleau, un rendez-vous d’artistes (1850-1914) ». Huiles sur toile, bois ou carton, gouaches et aquarelles sur papier, forment une grande part de l’exposition, mais les amateurs d’estampes ne sont pas oubliés, et seront ravis de découvrir un certain nombre d’œuvres gravées et lithographiées, pour la majorité originales.

Arthur Heseltine – « Château de Nemours »
(Cl. Gérard Robin)

Il restera à franchir les 22 marches d’un perron monumental, pour accéder au seuil de la petite porte d’entrée et pénétrer dans le lieu, certes un peu austère en regard de son origine médiévale, mais habillé de cimaises, bien documentées, rendant conviviale et instructive la visite, qui nous plonge au cœur de la forêt bellifontaine. Un petit escalier à vis, dans l’une des tours, donne accès à l’étage supérieur où l’exposition se poursuit avec une découverte des bords du Loing.

Fernande Sadler – « Vieux pont de Gretz-sur-Loing »
(Cl. Gérard Robin)

L’essentiel pour nous est bien sûr la présence d’estampes, au travers d’œuvres d’artistes du passé, paysagistes et, pour l’un, animalier, qui se rattachent à l’école de Barbizon, et qui permet d’apprécier la grande maîtrise de leurs « manières » et leur talent. On y découvre les signatures, pour l’eau-forte de : Eugène Béjot (1867-1931), Eugène Bléry (1805-1887), le Suisse Karl Bodmer (1809-1893), la Suédoise Emma Löwstädt Chadwick (1855-1931), Francine Christophe (active seconde moitié du XIXe siècle), Eugène Couvignac (actif seconde moitié du XIXe siècle), Léopold Desbrosses (1821-1908), Paul Dujardin (1843-1913), Paul Girardet (1821-1893), l’Anglais Arthur Joe Heseltine (1855-1930), Charles Jacque (1813-1894), Tristan Lacroix (1849-1914), Auguste Lepère (1849-1918), Joseph Lesage (1884-1918), Fernande Sadler (1869-1949), Georg Schlumberger (1807–1862) et Jules Jacques Veyrassat (1828-1893) ; et, pour la lithographie, les signatures de : Eugène Cicéri (1813-1890), Charles Fichot (1817-1904), Henri Le Sidaner (1862-1939) et Hector Martin (1825-1846).

Karl Bodmer – « Forêt de Fontainebleau »
(Cl. Gérard Robin)

Un lieu de caractère, et une exposition à découvrir qui met en valeur de remarquables sites paysagers de cette région pittoresque du sud Seine & Marne, et présente… de la belle estampe !

Gérard Robin

Fête de l’estampe au château de Grouchy.

Exposition
du 12 au 26 mai 2018
Château de Grouchy
95520 Osny, (Val d’Oise)


Une des salles d’exposition (Cl. G. Robin)

À l’invitation du Cadratin de Jouy et de son président Guy Le Breton, nous voici au château de Grouchy, l’Hôtel de ville, où l’on fête, avec un peu d’avance, la Fête de l’estampe, la manifestation se clôturant, à dessein, le 26 mai, jour de la promulgation de l’Édit royal de Saint-Jean de Luz. Et, c’est une belle surprise que de découvrir toutes les salles, certaines voûtées au rez-de-chaussée de la grande bâtisse, en écrin à de nombreuses cimaises porteuses d’estampes.

La progression du Cadratin de Jouy est à noter car exemplaire : elle passe, sauf erreur, de 9 artistes exposés en 2014, à une cinquantaine en 2018. Et, donc de féliciter, pour tout le travail réalisé, les maîtres d’œuvres du salon : Adam Zydzik et Maurice Czarnecki. Le maire d’Osny, Jean-Michel Levesque, qui a proposé tout l’espace aux deux acolytes, les remercia d’ailleurs vivement lors du vernissage, avant d’inviter les artistes à se placer sur le grand escalier intérieur du hall d’entrée, pour la photo souvenir. Un prélude au buffet copieux auquel on nous convie, tandis que deux musiciens coloraient l’atmosphère du chant de leurs instruments, clarinette, guitare ou banjo. Sans oublier ce chant que les membres du Cadratin, un verre à la main, entonnèrent au cours du cocktail, une cantate chère aux imprimeurs-typographes d’hier :  » À la… À la… À la… À la santé du confrère, Qui nous régal’aujourd’hui.…” Beaucoup de chaleur, donc, à ce rendez-vous !

Et, la belle estampe était là, qui incitait à parcourir les salles, y rencontrer un ami ou une amie artiste, et surtout se rassasier d’estampes, mets visuels d’originalité et de talent.


Joël Roche, burin « Génération de polyèdres » (Cl. G. Robin)

En cimaises, accompagnant un hommage à Joël Roche (1939-2014) et à Daniel Boillet (qui fut élève du maître-graveur Jean-Marcel Bertrand), et entourant de grands disparus, Alfredo Müller (1869-1939) et Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923), les signatures d’artistes que nous connaissons bien et celles d’autres à découvrir : Dominique Aliadière, Odile Baduel, Consuelo Barbosa, Hélène Baumel, Muriel Baumgartner, Julie Benameur, Régine Bertin-Bisson, Pascale Braude, Guy Braun, Jack Brisset, Christine Cavellec, Lisz Chaduc, Anick Chenu, Jean-Pierre David, Guillaume Desnoyers, Paola Didong, José-Luis Giambroni, Lucien Gondret, Miyako Ito, J.Dann, Michèle Joffrion, Brigitte Kernaléguen, E.M. Khindelvert, Michel Lenormand, Judikaël, Abderrahmane Mada, Silvia Minasian, Claude Montagne, Loula Morin, Anne Mounic, Akémi Noguchi, Marie-Sol et Titi Parant, Michèle Pellevillain, Brigitte Pérol-Schneider, Jean-Paul Pialat, Rem, Véronique Roche, Lynn Shaler, Vitali Skvorkin, Jean-Christophe Sylvos, Megumi Terao. Marc Valantin, Bernard Vercruyce et Sophie Villoutreix Brajeux.


Une autre salle d’exposition (Cl. G. Robin)

Au final, une fête qui fera date au château de Grouchy. Et, une belle carte de visite pour le Cadratin qui, à Jouy-le-Moutier (95), propose au public son « atelier vivant d’Arts graphiques », avec au programme « visites, initiation ou perfectionnement ».

Gérard Robin