Ra’anan Levy

La Galerie Dina Vierny (Cl. M. Préaud)

« Ra’anan Levy – Gravures »
Galerie Dina Vierny
7 décembre 2021 – 29 janvier 2022
36 rue Jacob 75006 Paris

La Galerie Dina Vierny présente sur ses cimaises un choix d’estampes relativement récentes de Ra’anan Levy. Né en 1954 à Jérusalem, partageant aujourd’hui sa vie entre Paris et Florence, ce peintre et graveur franco-israélien est soutenu depuis longtemps par la Galerie Maeght. Il a d’ailleurs bénéficié l’an dernier d’une grande exposition de ses peintures à la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence, avec un superbe catalogue (Ra’anan Levy / L’épreuve du miroir) agrémenté d’une préface du commissaire de l’exposition, Hervé Lancelin, et d’une étude de Julia Beauquel, « Le reflet des choses »).

Vue partielle de l’exposition
(copyright Galerie Dina Vierny © Romain Darnaud, 2021)

La présente manifestation est consacrée à ses estampes. Il y traite les mêmes sujets que dans ses peintures, c’est-à-dire des intérieurs vides aux portes multiples qui n’ouvrent sur rien, des bouches d’égout et des caniveaux, des pontons plus ou moins ruinés à marée basse, des autoportraits grimaçants et des mains noircies d’encre entrelacées d’angoisse. Bref, des thèmes parfaits pour compenser la niaiserie de Noël où nous risquons de nous noyer. Il y a tout de même une ânesse mignonne qui apporte un peu de douceur dans cette mélancolie.

Vue partielle de l’exposition
(copyright Galerie Dina Vierny © Romain Darnaud, 2021)

Les estampes, en général d’assez grand format, d’un strict noir-et-blanc, obtenues par eau-forte mêlée d’aquatinte et de grattages multiples, magnifiquement imprimées par les taille-douciers de l’imprimerie Arte1, sont présentées sur les chaleureuses cloisons de la galerie dans des encadrements un peu funèbres souhaités par l’artiste. Elles sont toutes reproduites dans un beau catalogue2.

La galerie est ouverte du mardi au samedi de 11h à 13h et de 14h à 19h. Elle sera fermée du dimanche 19 décembre au lundi 3 janvier, réouverte du mardi 4 au samedi 29 janvier 20223.

Maxime Préaud

1 Je me permets de renvoyer au portrait que j’ai tracé naguère de cet atelier, où j’ai découvert le travail de Levy : « Arte, ce n’est pas de la télé (ni du ciné) », Nouvelles de l’estampe, n° 255 (Été 2016), p. 48-55, aujourd’hui accessible en ligne.
2 Avec une préface de votre serviteur. 40 euros tout de même.
3 Contrairement à ce qui est indiqué sur la vitrine, l’exposition étant prolongée.

Prix de l’Académie 2021

Présidence de la séance solennelle de l’Académie des beaux-arts
De g à d : Laurent Petitgirard, Alain Charles Perrot, Astrid de La Forest
(Cl. Maïté Arnaudet-Robin)

Une parenthèse, ce matin-là, avant de prendre la route pour Paris et rejoindre le Quai de Conti, pour vivre la séance solennelle de rentrée 2021 de l’Académie des beaux-arts, un message douloureux s’était affiché sur l’écran de notre ordinateur, envoyé par le président de “La Taille et le Crayon” : le décès de Claude Bouret, président honoraire et ancien conservateur en chef au département des estampes et de la photographie de la BnF, passionné de gravure (en particulier la taille d’épargne sur bois), et avec lequel nous avions souvent travaillé pour la création des catalogues d’expositions sises à la fondation Taylor. Un être d’exception dont le souvenir restera gravé dans notre mémoire. L’une des rencontres artistiques en sa compagnie avait eu lieu chez une artiste séquano-marnaise, devenue depuis académicienne… Pensée qui nous conduit naturellement à l’Académie.

L’Académie des beaux-arts fêtait une rentrée particulière, puisque supprimée l’an passé en raison de la situation sanitaire. Rappelons que : “Parmi ses missions, l’Académie des beaux-arts s’efforce de distinguer l’apparition de nouveaux talents, dans toutes les disciplines artistiques, grâce aux nombreux prix qu’elle accorde chaque année sur ses fonds propres ou avec le soutien de la générosité des donateurs qui lui font confiance…” La séance solennelle sous la coupole, agrémentée d’un programme musical animé par la Maîtrise de Sainte-Anne d’Auray et l’Orchestre Colonne, concourait à proclamer le palmarès des prix de l’année 2021, après une ouverture de cérémonie précédée, sous les roulements de tambour de la garde républicaine, par l’arrivée des académiciens et correspondants, et le discours du président de l’Académie, Alain Charles Perrot, entouré de la vice présidente, Astrid de La Forest de la section gravure, et du secrétaire perpétuel, Laurent Petitgirard.

Auparavant, comme il est de tradition, il y eu le moment du souvenir, pour saluer la mémoire des confrères disparus depuis la séance 2020.
En section gravure, fut évoqué l’académicien Pierre-Yves Trémois (1921-2020), premier grand prix de Rome de peinture en 1943, avant de se consacrer à la gravure. Et le président de dire : “C’est avec le burin dont il est le maître incontesté et respecté qu’il connaît une renommée internationale”. Amoureux du trait et adepte de la ligne pure, il avait été élu à l’Académie en 1978, au fauteuil de Paul Lemagny (1905-1977), premier Grand prix de Rome de gravure (1934).

Pierre-Yves Trémois
(Cl. Académie des beaux-arts)

Fut également évoqué le correspondant James McGarrell (1930-2020), américain né à Indianapolis, peintre célèbre mais graveur de grand intérêt, auteur de gravures généralement figuratives, souvent consacrées au corps féminin. Un hommage lui fut décerné, écrit par Rémi Mathis dans la version en ligne des Nouvelles de l’Estampe du 10 décembre 2020.

Récipiendaires des prix de gravure : Camille Pozzo di Borgo, Olivier Besson
Mireille Baltar et Siemen Dijkstra (Cl. Maïté Arnaudet-Robin)

Quant au palmarès annoncé par Astrid de La Forest, quatre prix concernèrent la gravure. Le Prix Pierre Cardin, créé en 1993 et perpétué grâce à son neveu, Rodrigo Basilicati-Cardin, fut décerné à Camille Pozzo di Borgo, une artiste italienne formée à l’Accademia di Belle Arti di Brera de Milan et à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, et dont la création artistique (pointe sèche sur polycarbonate) s’articule “autour du monde animal et de l’anatomie humaine”.

Le Prix d’encouragement de l’Académie revint à Olivier Besson. Un artiste multiforme, qui a apprit la gravure à l’École nationale des beaux-arts de Paris. Il se consacre à l’illustration, voire à l’écriture de livres pour enfants, et anime des ateliers de gravure destinés aux jeunes.

Le Prix Mario Avati, créé en 2013 en hommage au graveur Mario Avati (1921-2009) grâce à la donation d’Helen et Mario Avati, fut attribué conjointement à Mireille Baltar et à Siemen Dijkstra. Mireille Baltar s’est formée à la gravure dans les ateliers parisiens de Johny Friedlaender
et de Lacourière-Frélaut. Utilisatrice de la taille-douce, elle travaille aujourd’hui la gravure sur carton, avec découpe au cutter ou incision à la pointe, y joignant par exemple l’ajout de vernis de qualités différentes, susceptibles de donner des valeurs de gris (à la manière de l’aquatinte), ou encore du plastique adhésif pour la valeur blanche. Son thème principal est celui d’un bestiaire où s’égarent parfois des humains… Deux entretiens avec l’artiste ont été successivement réalisés dans les Nouvelles de l’Estampe par Marie-Cécile Miessner et par Jean-Bernard Roy, mis en ligne en 2019.

Quant à Siemen Dijkstra, il est un artiste néerlandais dont le thème créatif est la nature, le paysage, qu’il travaille au travers de grandes estampes nées de la manière dite à bois perdu, présentant parfois de 10 à 18 couches imprimées. Une vision de la végétation exprimée de façon magistrale, suggestive des subtilités de la lumière et des couleurs, à laquelle il manque, aux dires de l’artiste, le rendu des odeurs… Un catalogue lui a été consacré lors d’une grande exposition à la Fondation Custodia.

Pour clore la séance solennelle, le discours du secrétaire perpétuel Laurent Petitgirard aura pour titre : “Le droit moral, ultime rempart des créateurs”. Une évocation instructive que l’on peut consulter ou enregistrer sur le site de l’Académie des beaux-arts. Sortie de la Coupole sous une haie de gardes républicains, sabre au clair.

Gérard Robin

Chamalières

À Chamalières et dans 17 villes partenaires, du 25 septembre au 7 novembre 2021, s’est tenue la onzième édition de la Triennale mondiale de l’estampe et de la gravure, repoussée d’un an en raison des circonstances difficiles de 2020. Il s’agit toujours d’un événement culturel majeur qui, cette année, regroupait 31 expositions dans 29 lieux différents et exposait les œuvres de 190 artistes originaires de 41 pays. Le qualificatif « mondial » n’est pas usurpé.

Pour le curieux, l’amateur d’estampe ou le passionné de gravure qui n’a eu que deux jours à consacrer à la Triennale, et, qui plus est, les deux derniers, la frustration peut être grande… Cependant, on est comblé dès la première visite : au centre de Chamalières, Rembrandt, dont les autoportraits, les portraits et d’autres eau-forte, le Faust par exemple, prêtés par la Bibliothèque municipale de Lyon fascinent, intriguent, amusent le regardeur plongé dans la pénombre d’un voyage au travers des siècles.

À deux pas, se tient une autre exposition « de prestige », dans une belle salle très claire, celle de quatre graveurs de l’Académie des Beaux-Arts (Institut de France) dont certaines œuvres sont étonnantes de liberté et de profondeur.

Dans le même secteur de la ville, l’Espace Simone Veil, abrite la compétition internationale d’estampes de petit format. C’est une vraie ruche tant les visiteurs sont nombreux et échangent bruyamment leurs impressions. Plus de 750 gravures venant du Brésil aussi bien que du Zimbabwe, ont été proposées au jury. On peut imaginer la superbe variété des œuvres et l’intérêt de ce foisonnement.

Une vue de l’exposition à Volvic (Cl. « Opération Prado »)

À Volvic, on découvre un collectif d’artistes groupés dans l’ « Opération Prado », à l’occasion du bicentenaire du musée de Madrid, qui proposent installations et œuvres graphiques inspirées par l’univers de peintres espagnols figurant dans les collections du musée et revisitées dans un esprit contemporain.

Judith Rothchild, primée à la dixième Triennale, présente, seule artiste dans une immense médiathèque à Cournon-d’Auvergne, ses gravures en manière noire. Curieusement, les objets quotidiens de la maison, les légumes d’un jardin prolifique ou une simple branche d’arbre séchée trouvent leur place dans cet environnement chaleureux et s’en trouvent anoblis et magnifiés.

Manière noire de Judith Rothchild (Cl. Triennale de Chamalières)

Dernière halte à Pont-du-Château, où les lauréats des prix attribués lors des Mois de l’estampe de l’association Graver Maintenant en 2017 et 2019 se sont donné carte blanche pour souligner par ces « Écarts » ce qui les sépare et ce qui les unit dans leur création, entre le statut d’artistes confirmés et celui de jeunes créateurs plasticiens tout aussi passionnés. Les kakemonos et travaux de grande envergure jouant sur la transparence s’accordent avec le patio végétal du lieu d’exposition, le Caméléon.

Certes, il vaut mieux échelonner les visites en découvrant tranquillement la Chaîne des Puys et les merveilles locales, mais ces quelques heures consacrées à la gravure d’ici et d’ailleurs affûtent le regard et provoquent de belles émotions. Un seul regret : demander à l’office du tourisme d’une petite ville quelques informations sur l’exposition locale d’estampes et découvrir qu’on n’est pas au courant et qu’il faut avoir recours à internet pour répondre. La communication sera peut-être meilleure pour la douzième édition…

Josiane Guillet