Rencontre de graveurs

Abbaye de Trizay (Cl. Gérard Robin)

Quatrième biennale de gravure
du 16 mai au 4 septembre 2023
Abbaye de Trizay (17250)

Dans un cadre champêtre bordé de bois et à l’écart du bourg de Trizay, en Charente Maritime, les ruines de l’ancien prieuré bénédictin “Saint-Jean l’Évangéliste” brillent de lumière sous un ciel presque sans nuage. C’est l’abbaye de Trizay. Dévasté lors de la guerre de Cent Ans et des guerres de Religion, de la guerre de Vendée, il fut vendu lors de la Révolution pour devenir une ferme. Classé Monument historique en 1920, la commune l’acheta en 1989 pour le restaurer et le transformer en 2003 en centre d’art contemporain.

Des œuvres modernes établissent une arche virtuelle entre la fin du XIe siècle et le début du XIIe, époque de la construction du prieuré, et la période contemporaine. Deux sculptures, “La Source” de Georges Charpentier et le grand cheval “Equi-libre” d’André Bemant, sont posées sur une esplanade vis-à-vis des bâtiments monastiques et de l’impressionnant chevet, vestige d’une grande église romane de plan octogonal ; celui-ci est orné, pour l’abside, de vitraux de Richard Texier, réalisés par le maître-verrier Gilles de Rousvoal, et, pour les deux absidioles qui l’encadrent, de vitraux du père Kim En Joong. Des œuvres superbes qui établissent avec bonheur le lien entre aujourd’hui et le passé.

C’est là donc un véritable écrin culturel pour accueillir l’art actuel, dans des manifestations qui, au regard de celles diverses passées, sont de haut niveau. Ce soir du 16 mai 2023 et jusqu’au 4 septembre, c’est l’estampe qui est à l’honneur, pour une quatrième biennale de gravure, intitulée : « Rencontre de graveurs ». À droite du chevet de l’église priorale et de la salle du chapitre, avec ses arcs polylobés et ses croisées d’ogives du XIIIe siècle, un étroit escalier de pierre monte aux dortoirs des moines, qui ont été transformés en salles d’exposition.

Huit graveurs sont en cimaises, offrant aux visiteurs près de 94 estampes. Un public particulièrement nombreux, invité par le sympathique commissaire de l’exposition, Cédric Neau, artiste et professeur de gravure à l’école d’art plastique de Niort, fut accueilli par les personnalités locales : principalement Stanislas Caillaud, le maire de Trizay ; Véronique Bergonzoni, directrice de l’abbaye et du centre d’art contemporain ; Dominique Daviaud, président de l’association de l’abbaye de Trizay, en charge de l’organisation des événements et enfin par les artistes exposés, dont deux des trois artistes femmes présentes en cimaise étaient malheureusement décédées, après leur accord de participation.

La présentation de l’exposition.
De gauche à droite : Cédric Neau, Dominique Daviaud, Véronique Bergonzoni et Stanislas Caillaud. (Cl. Gérard Robin)

Et Véronique, en particulier, d’exprimer sa vision de la gravure et de l’estampe : « C’est un travail d’une technicité extraordinaire et d’une richesse infinie de conception […], de création graphique. Et là, ce soir, on voit bien toutes les techniques qui ont été utilisées […], et l’infini des possibilités de représenter l’inspiration… Voilà ce qui nous transcende à chaque fois. Et moi, c’est une technique que j’adore ! » Une démarche qui vise certes à la valorisation des lieux, mais qui est aussi celle de la diffusion culturelle de qualité en milieu rural, avec, pour les artistes invités, une ouverture sur un public qui ne fréquente pas forcément les grands centres urbains et leurs institutions culturelles. Une action locale qui vise aussi, sous la houlette de Cédric, à la sensibilisation des scolaires d’une commune voisine, Les Essards (classes CM1 et CM2) avec plusieurs interventions en juin, à l’école et à l’abbaye, où un mur leur est d’ailleurs réservé pour exposer leurs travaux (des gravures sur support Tetra Pak).

La première salle de l’espace présente une petite presse François Defaye, — gracieusement prêtée pour la durée de l’exposition par l’association “Au Fil de la Taille-douce” —, et avec laquelle seront faites des démonstrations au public, par Cédric et par des spécialistes de l’art comme le couple Joffrion, de Niort, qui fait partie des exposants.

Quant à l’exposition, Cédric la définit ainsi : « La spécificité de cette biennale, c’est vraiment d’exposer de la gravure, à proprement parler, et je voulais montrer toute la diversité et la richesse qu’il y a à la fois dans les techniques et aussi dans les différentes approches, les univers de chaque artiste… Et voilà, j’espère qu’on aura fait bonne “impression”. »

Comment ne pas l’être, avec des artistes comme :

Dominique Berteletti (1956-2021), qui se disait obsédée par le motif et la répétition, abordant les diverses techniques de l’estampe (sérigraphie, lithographie, gravure), mais où le geste de peintre suggère agréablement les émotions, et qui « joue de la fluidité du motif en utilisant le multiple de façon combinatoire — superpositions, décalages, inversions, mixage de motifs voire de techniques, — obtenant la plupart du temps des tirages uniques. »

Max Boisrobert, formé au burin avec Catherine Gillet, et pour qui « graver est un plaisir sensuel de lever sans violence le copeau de cuivre poussé par l’étrave du burin ; il s’enroule lentement sur lui-même, révélant en silence ce qui se dissimule sous la surface du métal : l’inattendu, les silhouettes, les objets familiers, les paysages. » Accompagnant les belles évocations mythologiques des douze travaux d’Hercule, quatre burins m’ont accroché, “Temps suspendus”, “… incertains”, “… obscurs” et “… sauvages”, qui ne sont pas sans exprimer « la sombre incertitude des temps présents »

Guy Braun, qui propose un florilège de gravures de teintes dites “cinématogravures”, des évocations filmées, en noir et blanc où transparaît l’univers gravé. Cela en référence au cinéma expressionniste d’un Fritz Lang, dans “Métropolis”, où « chaque plan est pensé comme une œuvre », ou encore à des réalisateurs comme Ingmar Bergman, où dans “Le Septième sceau” il songe à Dürer et, dans “La Nuit des forains”, il pense à Callot… L’important pour lui est de traduire une atmosphère, de saisir l’instant fugace d’un mouvement ou d‘une attitude qui révèle une présence, une existence.

Michèle Joffrion, dont la gravure en mezzotinto, non figurative, est une expression sensuelle qui sourd de son imaginaire, vibratoire, source d’émotions. N’écrit-elle pas : « Le noir est pour moi un espace infini… une respiration… une libération. Confidentiel quand la lumière naît. Révélateur quand les transparences jouent. La manière noire m’accompagne comme un espace de vie ».

Pour le spectateur que je suis, cette lumière de Michèle, qui naît du noir et qui rayonne, qui semble venir de la nuit de l’espace, ne serait-elle pas aussi en harmonie, ici dans ce cadre hier de spiritualité, avec les vitraux du chevet de l’église ? Ceux des absidioles, sans coupe de verre ni donc réseau de plomb, car peints par Kim En Jong — c’est l’originalité de son procédé — avec une peinture à base d’émaux : le miracle est qu’après plusieurs cuissons le vitrail prend transparence et luminosité, son bleu, en particulier, étant une « invitation à l’infini et à l’immatérialité ». Ce qui est en accord avec les vitraux de l’abside, imaginés par Richard Texier, dits « d’inspiration cosmologique ». Il y a, me semble-t-il, de cela dans la gravure de Michèle.

La presse Defaye en attente… (Cl. Gérard Robin)

Raoul Lazar, qui a exploré les diverses facettes de la gravure, mais qui s’attache aujourd’hui, après la découverte de l’art cycladique (Cyclades, Mer Égée, 3 000 Av. J.-C.), donc d’une sculpture épurée et simple qui « s’exprime d’une manière très élémentaire et sans artifice, mais avec force », et a choisi la forme anthropomorphe, avec ses rondeurs, pour créer ses visuels, à l’aide de contreplaqués découpés et encrés. Et d’ajouter : « Les actions de déplacement, les superpositions, les retournements vont se développer et alimenter le travail et mon imaginaire. »

Anne Mounic (1955-2022), femme de lettres avant tout, mais qui s’est réservé un temps plasticien pour accompagner d’images son écriture et mieux faire partager la vibration de ses impressions et émotions nomades, au moyen du pinceau pour la couleur des fleurs ou de la pointe, pour des nus en esquisses nerveuses, et quelques têtes de chats. Un choix de la technique qui « explique la démarche opiniâtre et résolue de son geste. Le trait est vigoureux puisqu’il s’agit d’arracher sans violence la ligne qui se cache dans les profondeurs du métal ».

Rem (alias de Rémy Joffrion), au regard affûté et fidèle au trait de burin, cet outil simple, mais extrêmement exigeant dans sa préparation et son usage. Le copeau qui s’échappe du métal laissera place à l’encre et dessine ses visions, pour lesquelles il n’hésite pas, parfois, à les agrémenter de teinte, pour accroitre les effets de sa pensée. Sa gravure est preuve de sa personnalité, teintée parfois de légèreté, souvent d’humour, toujours de volonté de partage. « Cartographier sur le cuivre les méandres de son imaginaire, c’est écrire sa Carte du Tendre, tendre vers la difficile transcription de ses émotions et les offrir en partage au regard d’autrui, dans cette société en déshérence, en quête d’humanité. Le burin qui trace son incision en secret du regard, de l’inspiration, conforte le graveur dans sa bulle créatrice. »

Nicolas Terrasson, créateur d’un univers fictionnel, qui se veut à la fois ironique et poétique, oscillant entre abstraction et figuration, et né d’un parcours allant d’études scientifiques aux arts plastiques, avec la recherche d’un nouveau langage d’exploration, visant à l’interprétation et à la compréhension du monde… Ainsi les eaux-fortes en cimaises où le vernis est griffé par une pointe mue par commande numérique, et où l’artiste « revisite l’imaginaire du cyborg, en écho à notre société de plus en plus artificialisée. »

Huit artistes qui montrent, au travers du geste original de chacun et chacune, que la gravure, née il y a plusieurs siècles, est un support contemporain de haute tenue, qui s’adapte à la pensée, celle d’hier et d’aujourd’hui,… comme il en sera de celle de demain.

Pour conclure sur cette belle manifestation, qui marque la Fête de l’Estampe et qui perdurera durant près de trois mois et demi, j’ajouterai un commentaire de Guy Braun, président de la section Gravure des Artistes Français, faite lors du vernissage : « Je dirais, puisque je m’occupe aussi d’autres salons, que, à chaque fois qu’il y a une exposition de gravure, il y a différentes sensibilités qui se rencontrent, mais qui ne se heurtent jamais. C’est ça qui est assez intéressant et que l’on trouve moins facilement dans d’autres mediums d’expression. Et on sent qu’il y a toujours des échanges entre les graveurs, une espèce de communauté de gens qui apprécient la même démarche. Voilà, c’est pour ça que c’est toujours plaisant de voir plusieurs graveurs ensemble. »

C’est aussi cela qui fait, pour celui qui entre en gravure, le charme de cet art particulier. En clôture du vernissage, le verre de l’amitié permit, au sein de la haute salle à croisée d’ogives qui servait de réfectoire aux moines, sous des voûtains portant les vestiges peints de fresques du XVe siècle, d’accueillir public et personnalités, favorisant les échanges avec les artistes (et, pour les disparus, leurs représentants). Merci à Véronique Bergonzoni et à son équipe de l’abbaye de Trizay d’offrir, à tous ceux venant visiter l’abbaye, un bonheur en plus, qui est, dit-elle pour conclure, « un régal et un plaisir des yeux » : la gravure.

Gérard Robin

Le Dit de ma vie flottante

« La bibliothèque » estampage de Pascale Smonet (Cl. Michel Deroide)

« Le dit de ma vie flottante »
Exposition de gravures et de céramiques
Galerie l’Entr@cte de Ville d’Avray (92)
du 11 mai au 4 juin 2023

C’est le titre de l’exposition de Pascale Simonet et de cinq autres artistes. Ils présentent à la galerie l’Entr@cte à Ville-d’Avray du 11 mai au 4 juin 2023, de nombreuses impressions sur papier ainsi que des céramiques. Voici en quelques lignes mon ressenti à la suite de cette exposition qui m’a plus que conquis, qui m’a troublé. Dommage qu’elle n’ait pas vocation à partir en tournée. Peut-être en reverrons-nous quelques éléments dans d’autres temps dans d’autres lieux.

Il arrive que, pour leur pot de départ, des néo-retraités se fassent offrir des tubes de peinture et quelques chevalets. Après, ils n’ont de cesse, ayant pris ou non quelques cours, d’exposer rapidement leurs croûtes, croyant faire du Francis Picabia, voire et c’est encore pire, du Jackson Pollock. Tout le monde n’est pas non plus Joan Mitchell, expressionniste abstraite américaine dont les œuvres doivent beaucoup aux nymphéas de Claude Monet. Tout cela pour dire que, si je suis sensible au réalisme et au figuratif, je ne suis pas non plus opposé à l’art abstrait.

Mon opinion sur les impressions date de l’époque de mes premières vraies lectures, quand les textes étaient parfois accompagnés de gravures en noir et blanc. Ces gravures, je les trouvais tristes et éloignées du film que la lecture projetait dans ma tête. Je m’en servais avant tout comme un but à atteindre… Je lis jusqu’à l’image, pensais-je. Mais, arrivé à elle, je ne retrouvais pas le texte que je venais de lire, l’image était statique alors que mon film était dynamique. Le titre de l’exposition de Pascale Simonet m’a interrogé : « Le Dit de ma vie flottante ». Ma première réaction fut de penser : « Mais la vie de tout le monde est flottante, sauf peut-être à la suite d’une prise de décision irrévocable qui la fige, comme rentrer chez les moines par exemple, et encore.» Aussi me suis-je retrouvé au premier étage de l’Entr@cte, dans la salle d’exposition qui n’est pas une salle à proprement parler mais cinq pièces qui communiquent entre elles. Toutes avec fenêtres donnant sur l’extérieur, d’où une luminosité presque parfaite. Cette disposition convenait parfaitement aux quatre thèmes traités que j’ai découverts à l’occasion d’un premier tour de piste rapide. Je cite : L’équilibre du déséquilibre, La bibliothèque et le catalogue, Les passes et le tunnel, Figurer les mots !

Carton gravé sur papier de Dominique Moindraut (Cl. Michel Deroide)

Ce premier contact fut très bon, j’ai trouvé l’exposition homogène, les artistes ayant parfaitement assimilé les quatre thèmes, à l’intérieur du thème général. Mon ressenti profond est d’avoir presque fait une expérience initiatique. L’équilibre du déséquilibre : sauf à être funambule, on ne va pas d’un point à un autre sans hésitation, sans retour en arrière et là est toute l’astuce de Pascale Simonet qui force le spectateur à une véritable interrogation sur la trajectoire de sa propre vie.

Les bibliothèques et le catalogue : devant nous, mis en exergue, une série d’immenses panneaux figurant des dos de volumes rangés sur des étagères et censés contenir la représentation livresque du monde ? œuvre utopique, et grandiloquente dont on connaît la suite dans les récits de la Genèse avec la tour de Babel… à moins qu’ils représentent les chapitres des « dits » et pourquoi pas des « non-dits » de nos vies qui, peu à peu, nous alourdissent et dont il conviendrait de se débarrasser.

Céramiques d’Anne Paulus (Cl. Michel Deroide)

Les passes : ainsi donc il existerait des échappatoires à nos existences, ces fameux trous de ver permettant d’atteindre d’autres histoires, d’autres univers. A chacun de trouver le sien mais attention, la route aussi est sinueuse et chaque passage peut en cacher un autre surtout s’ils ne sont pas alignés. Ici, les estampes sont accompagnées de superbes céramiques en pyramides tronquées. La pyramide aussi, en tant que tombeau, est une belle métaphore du passage et de la survie dans l’au-delà.

Figurer les mots : les mots existent par des signes et représentent des concepts. Mis bout à bout selon des règles de grammaire et de syntaxe, ils ont le pouvoir de relater toutes les sciences, les philosophies, les croyances. Que restera-t-il d’eux qui ont aussi écrit l’histoire de nos « dits » si ce n’est l’ossature des mots ? l’histoire se répète depuis les temps obscurs, les hommes depuis le paléolithique nous ont laissé des signes, des traces de leur existence sur des roches, dans le fond de grottes. Les graphes de mains aux doigts amputés en sont un exemple.

Merci aux artistes associés : Jacques Clauzel, Joelle Dumont, Dominique Moindraut, Anne Paulus et Edith Schmit qui y ont su partager avec Pascale Simonet cette belle aventure présentée par l’association « Terre d’estampes » dans le cadre de l’événement annuel Fête de l’estampe. Leur travail, plus d’une cinquantaine d’œuvres sur papier, encadrées, représentant certaines des techniques d’impression particulièrement utilisées par Pascale Simonet (carton gravé, estampages et litho polyester), auxquelles il faut ajouter huit panneaux géants de plus de deux mètres de hauteur, des livres et des pièces en céramique… du beau travail !.

Michel Deroide

La légende gravée d’Aufredy

« La légende » gravée et huit des seize estampiers (Cl. Quai de l’estampe)

J’ai déjà évoqué, dans « Vu & lu… pour vous », ce collectif de graveurs de La Rochelle (voir « La Gravure en marche » – 9 juin 2022) qui, créé en 2017 sous le titre associatif de « Quai de l’Estampe », avait été accueilli dans les vestiges d’une église médiévale détruite en 1568, la tour Saint-Barthelémy, clocher accolé au chevet de la cathédrale Saint-Louis. Un lieu de prestige pour une activité tout aussi remarquable de promotion de l’art stampassin qui, sous la présidence d’Alain Barraud, propose une activité passionnée et donc de grande qualité : créations collégiales et exposition d’œuvres, organisation de stages d’initiation, création de manifestations, etc. J’avais précisé que des mesures de sécurité et une rénovation du bâtiment s’imposant, la tour avait hélas fermée en septembre 2021, engageant l’association à une transhumance espérée passagère.

Le message d’un membre du collectif, m’a récemment informé de la finalisation d’une œuvre gravée collégiale, concluant une présence en résidence, riche en initiatives diverses, de l’association (six semaines – du 4 avril au 12 mai 2023), à la médiathèque municipale de Lagord (12, rue des Hérons – 17140), au nord de La Rochelle. Un acte d’envergure, où le collectif s’attela à imaginer, pour la graver, une représentation graphique et son dessin préalable, basée sur l’évocation d’une grande légende rochelaise : celle d’un armateur du passé, Alexandre Aufredy, et de sa femme, Dame Pernelle, deux figures emblématiques que des rues adjacentes à la tour Saint-Barthelémy honorent.

La gravure en marche (Cl. Quai de l’estampe)

Sur le site « Les Portes du Temps », j’en ai trouvé l’histoire, dont je vous transmets un court extrait : « La légende la plus populaire à la Rochelle est assurément celle de ce bourgeois du treizième siècle, dont les dix vaisseaux partis pour des mers lointaines prolongent leur voyage durant dix années, et reviennent chargés d’une riche cargaison, au jour où l’armateur, dont cette longue absence avait trompé les prévisions, tombé dans la plus grande détresse, abandonné de ses proches, était réduit au rude labeur des portefaix.

Retrouvant avec le retour de ses navires une fortune inespérée, ému de sympathie pour des misères qu’il a appris à connaître en les partageant, Aufredi fonde en 1203 l’aumônerie nouvelle qui emprunte son vocable au voisinage de l’église Saint-Barthelémy, s’y consacre avec sa femme Pernelle au soin des pauvres et meurt dans l’hôtel-Dieu qu’il a fondé, laissant à la postérité un nom, que la reconnaissance de chaque siècle entoure d’une auréole nouvelle. »

Voilà sur quoi ont travaillé les graveurs du « Quai de l’Estampe », en se lançant dans une taille d’épargne en linogravure sur deux grandes planches à réunir et d’une estampe résultante sur Chine Wenzhou 35 g/m2, d’une longueur de… 3,7 mètres ! Un tirage exemplaire, qui fut réalisé le 6 mai 2023 en six exemplaires.

L’impression : après encrage, la pose du papier (Cl. Quai de l’estampe)

Fruit d’échanges graphiques préliminaires relatifs à la légende et nés de l’imaginaire de chacun, à assembler, à imbriquer les uns au contact des autres et à harmoniser, l’œuvre est le résultat de longues séances de gravure à la gouge, de calages et d’essais, avec en final, après l’encrage au rouleau et la pose du papier, puis la danse des frottons (cuillers, louche et rouleau de bois), l’extraction délicate de l’estampe, menée avec un tube et des mains attentives et expertes.

C’est là, dans sa globalité, d’abord une véritable aventure humaine, comme me le précisa le président Alain Barraud, puis une belle démonstration de cohésion et de partage estampier, se concrétisant par un résultat impressionnant ! Une évocation qui, plus est, tout en évoquant le fil d’une histoire d’un hier rochelais lointain, n’est pas sans flirter avec des visions d’aujourd’hui, ponctuées çà et là de pointes d’humour. Une réussite, donc, et une véritable tapisserie de papier qui, toutes proportions gardées, pourrait avoir sa place à Bayeux.

Seize artistes ont ainsi participé à cette création originale : Corinne Alexandre, Alain Barraud, Max Boisrobert, Ariane Boulai, Yvette Calas, Alain Cazalis, Eva Demarelatrous, Joëlle Dumont, Anne François, Jackie Groisard, Raoul Lazar, Armelle Magnier, Francine Minvielle, Juliette Planque, Jean-Paul Porchon et Anne Sarrazin. S’y ajoutant l’amicale participation de Francis Minvielle.

Donc, toutes mes félicitations à eux tous, qui font vivre dans leur région la gravure. Et, bien sûr, une reconnaissance à la ville de La Rochelle pour avoir soutenu le projet, et à la médiathèque de Lagord pour l’accueil dans ses locaux de manifestations de ce niveau et, en particulier, de cette résidence d’artistes qui a donné naissance à La légende gravée d’Aufredy et de Dame Pernelle.

Nota bene : La grande phase magique de la création de cette œuvre, exemplaire de l’investissement et du talent de ces artistes, a été filmée. Cette vidéo est disponible sur Internet :  https://vimeo.com/829956402

Gérard Robin