Prix Gravix 2022

Raùl Villullas, « Dame de cœurs », bois en couleurs, 50 x 65 cm

Remise des prix Gravix
jeudi 28 avril 2022
Fondation Taylor

1 rue La Bruyère 75009 Paris

Il règne un suspense communicatif dans le bel atelier du 4e étage de la Fondation Taylor, ouvert sur les jardins de la Fondation Thiers. La salle se remplit de plus en plus, on y est entouré des gravures des dix nominés pour le Prix, en couleurs ou noir et blanc, toutes techniques et esthétiques mêlées, du carborundum flamboyant de Julien Deprez aux inquiétantes pointes sèches de Anaïs Charras, en passant par les aquatintes de Sabine Demathieu et Matthieu Perramant ou les très étonnantes manières noires polychromes de Clémence Fernando.

Julien Deprez, « Calle major 2 », carborundum et pointe sèche, 77 x 103 cm

Quand Maxime Préaud, dont on vient de voir à l’exposition Pointe & Burin du rez-de-chaussée deux estampes à planche perdue, parmi lesquelles un éléphant entouré d’élégants rinceaux, pénètre dans la salle, le silence se fait immédiatement. Il va révéler le nom du jeune artiste primé cette année – au prix Gravix on est jeune jusqu’à 41 ans… Après avoir expliqué combien choisir, tout d’abord dix nominés, puis un lauréat, sur la soixantaine de dossiers reçus n’avait, compte tenu de la qualité des œuvres, pas été simple, suscitant des discussions animées parmi les treize membres du jury, il annonce le verdict : c’est Raùl Villullas qui remporte la palme. En examinant les séduisants bois colorés de ce graveur espagnol, à la fois simples et comme naïfs mais ouvrant sur un monde poétique complexe en plusieurs plans, où les couleurs et les contraires se répondent comme la nuit et le jour, on pense percevoir les motivations du jury : une technique parfaitement maîtrisée – celle de la gravure sur bois en plusieurs planches qui exige précision et finesse – au service d’un propos singulier lâchant la bride à l’imagination et ouvrant sur le rêve, à l’image de ce crâne se transformant en vagues ( La Lune) ou de cet escalier aux marches jaunes, pourpres et bleues conduisant à une porte sombre (Danse la nuit).

Matthieu Perramant, « Un refuge : l’intérieur »,
eau-forte avec aquatinte et pointe sèche. 63 x 75 cm. 2021.

Cette année, le jury a tenu à mettre également en avant un autre nominé : Matthieu Perramant, graveur et imprimeur en taille-douce. Frappantes et très travaillées, ses aquatintes, avec eau-forte et pointe-sèche, donnent à voir un monde sans présence humaine, mais tout en ombres noires et blanches à la Piranèse.

Laurence Paton

 

Embarquement immédiat

« Embarquement immédiat »
Gravures de Francis Capdeboscq
Galerie l’Échiquier
16 rue de l’Échiquier
75010 Paris
27 février au 3 avril 2020

 

Les mondes enchantés dans lesquels les eaux-fortes savamment travaillées de Francis Capdeboscq nous entraînent brouillent tous nos repères. Commençons le voyage : à l’Embarcadère nimbé d’une lumière blanche qui rend les noirs de l’aquatinte encore plus profonds, et presque inquiétants, tout semble d’un calme magnifique. De sorte qu’une fois parvenu à la Lisière d’une forêt qui pleure, lavée de toute présence humaine à l’exception d’un couple sortant d’un arbre et d’un château fondu dans les nuages, on s’attend presque à voir surgir à l’aube de ce premier jour le lièvre de Rimbaud qui, « aussitôt que l’idée de Déluge se fut rassise… dit sa prière à l’arc-en-ciel… ».

« Bosch 500 », Francis Capdeboscq, aquatinte, eau-forte (Cl. Galerie l’Échiquier)

C’est bien à une fête païenne que nous sommes conviés, dans des grottes d’avant l’histoire qui grouillent d’animaux et de personnages réunis pour des cérémonies secrètes, ou des crèches où on Aime les bêtes. Francis Capdeboscq qui prend soin de nous donner quelques indices, Bosch, Dante, pour notre périple à l’intérieur de ces contrées habitées par les mythes et les récits bibliques, a un côté satanique et malicieux. Son Bethléem au titre inversé où une foule aussi nombreuse qu’en enfer se presse, juchée à même le toit, pour assister à l’événement, montre tous les protagonistes— de l’âne au bœuf en passant par de drôles de rois mages— sauf le principal…

Dans cet univers mis sens dessus-dessous par une imagination artistique qui mêle à l’envi les époques, les fables et les traditions, des saynettes ravissantes, sortes d’intermèdes, nous sont proposées, comme ces Jeunes voyageurs en tapis volant, ou ce charmant damoiseau vêtu de gris léger et tout droit sorti de la poésie courtoise : Je rêve de mains. Sans doute de mains virtuoses qui s’apprêtent à faire chanter les noirs et les blancs de nos songes les plus infernaux avec de douces morsures.

Laurence Paton

(avec l’aimable autorisation de la galerie de l’Échiquier)