Partage

Une vue de la rotonde (Cl. Claude Bureau)

Exposition céramique peinture estampe
Maison pour tous – Le Colombier
Place du Général De Gaulle 92410 Ville d’Avray
du 6 au 30 mars 2023

La « Maison pour tous – Le Colombier » de Ville d’Avray dispose de trois beaux espaces d’exposition : son vestibule, la rotonde avec la cheminée et sur deux niveaux son atrium sous sa vaste verrière. Vincent Lallier, céramiste accompli, y présente ses petits pots et ses personnages emmitouflés. Pour l’accompagner, il partage cette exposition avec les trois artistes qu’il a invités : Marc Jallard, Marynoël et Anne Paulus. Pour cette occasion, dans ce lieu intimiste et cosy qu’est la rotonde avec la cheminée, cette dernière propose une série de quinze estampes qui entourent le foyer.

Trois des « Parole du pot vide » (Cl. Claude Bureau)

Sont donc accrochés sur le mur circulaire dans cet endroit où l’on peut prendre le temps de s’asseoir et d’admirer douze « Parole du pot vide » et trois « What we have lost » qui répondent dans un autre registre à tous les petits pots de l’artiste invitant. Anne Paulus se passionne depuis toujours pour les surfaces, qu’elles soient terrestres, matières diverses ou celles de ses céramiques qu’elle monte et soumet à l’épreuve du feu par ailleurs. Dans ses estampes elle capte toutes ces surfaces corrodées, érodées, abrasées, mordues ou fondues par le feu. Elle garde ainsi, comme révélées, les traces de ces érosions sur le papier blanc.

Trois « What we have lost » (Cl. Claude Bureau)

Ici ce sont des plaques d’acier mordues par l’acide qui évoquent les pots, simples pots dont les cols étrécis font rebondir les panses, avec leurs traces aux bords plus ou moins déchiquetés, ils lancent vers le haut de l’estampe leur cri blanc et muet. Il faut alors prendre le temps de les regarder attentivement. Toute leur expressivité réside dans les subtilités des surfaces retranscrites sur le papier par les encres et la presse. Elles semblent ainsi jouer ici une symphonie avec tous les détails subtils des surfaces des petits pots de Vincent Lallier.

Claude Bureau

Album d’Hélène Nué

« Le monde rêvé d’Hélène Nué » (couverture de l’album)

Hélène Nué nous a quittés en septembre 2022. Quelle perte immense pour le domaine de l’estampe, celle véritable, car sans artifice, où l’outil burin est, sous la main experte et sensible, le seul acteur de chaque création, avec l’artiste bien sûr ! Hélène était un personnage discret, intimement secret, et qui ne se révélait vraiment qu’au travers de l’image, de ce qu’elle souhaitait partager avec l’autre. Et cela avec une souplesse du burin sans pareille pour tracer les lignes sensibles et fluides des tailles, révélant les visions de son imaginaire au service de la beauté pure.

Il fallait un livre comme celui-ci pour évoquer l’univers pictural de l’artiste, où on est plongé, comme le titre de l’ouvrage le suggère, dans le rêve, et pour cela même hors une acuité visible du trait de burin. Le rêve demande qu’on s’en écarte, que l’imprécision intervienne en sourdine. L’effet est réussi. Merci à Jacques Pierre et à Jean-François Chassaing, président d’honneur de l’AFCEL, de nous proposer, sur un beau papier, cette ode graphique à son souvenir, et offrir à Hélène une quête d’immortalité, sans qu’il en soit de sa volonté.

Cet ouvrage n’est pas un catalogue raisonné. Pour un accès léger et agréable à la découverte, les données techniques, qu’elles concernent la manière utilisée, essentiellement le burin, où les dimensions des planches, ne sont pas formulées. De même qu’Hélène reste effacée dans son parcours artistique, ponctué des nombreux salons où elle participa et surtout des nombreuses distinctions qui lui furent attribuées. L’essentiel ici est l’évocation de son œuvre gravé et de l’univers de ses perceptions profondes et intimes, exprimé selon les quatre volets : la création libre, la carte de vœux, l’ex-libris et l’illustration de bibliophilie. La numérotation des pages est aussi absente, pour ne pas perturber le voyage. Mais de nombreux hommages de ses pairs accompagnent les images, ponctuées par un émouvant témoignage de Jacques.

“Eclosion” (n°22 – 1988) Choix de C.M.L. France – Nemours
pour une carte de vœux

Que pourrais-je ajouter, sinon l’importance qu’Hélène a eue me concernant, car elle fut à la base de ma découverte de la gravure, en partenariat avec un autre graveur d’exception, Jean-Marcel Bertrand : elle, avec le burin sur cuivre, lui, avec le burin sur bois de bout. Ancien élève, comme moi, de “Vaugirard”, la fameuse école de photographie-cinéma devenue plus tard l’ENS Louis Lumière, c’est Jacques, avec qui j’avais des relations professionnelles, qui m’avait proposé le rendez-vous.

La gravure originale m’était inconnue, alors que je m’engageais dans une action nouvelle visant à sensibiliser l’Entreprise au vecteur des arts plastiques : peinture et sculpture… pour valoriser les actions de communication, les cadeaux d’affaire, la décoration des locaux… Cette rencontre, si mes souvenirs sont bons, eut lieu en septembre 1988 ; elle a été à la base de mon engagement dans le domaine stampassin, et de la révélation de cet univers graphique si riche de techniques et d’artistes remarquables.

Ex-libris « Cachou » (état, 2007)

L’une de ses gravures, un ex-libris qu’elle ne voulut pas signer et donc éditer, car il ne la satisfaisait pas, est le signe de son exigence. Malgré cela, pour le souvenir, mais bien sûr pas seulement, elle accompagne chacune de mes conférences sur l’estampe. Pardon Hélène de cette présence imprévue mais chargée de reconnaissance et de pensée fidèle, espérant que tu ne m’en tiendras pas rigueur de là où tu es maintenant.

Gérard Robin

Nota bene :  « Le Monde rêvé d’Hélène Nué – gravure », album imprimé sur les presses de Prim Service, Metz. Format 310 x 310 cm, 156 pages, reliure rigide, dos piqué. 327 reproductions de gravures avec, en quatrième de couverture, une aquarelle, celle du portrait d’Hélène par Willy Lambert. AFCEL – Collection “Connaissance de l’ex-libris”. AFCEL Éditeur, 2023, ISSN : 1158-3541.
Prix : 65 €, frais de port : 8 €, à commander à l’éditeur.  Á l’achat, possibilité de don conjoint à l’association ; la contacter pour cela :
AFCEL – Bibliothèque municipale, 13 rue des Écoles, 55300 Saint Mihiel. www.afcel.com

Artistes français 2023

Un espace du Salon des Artistes Français (Cl. Gérard Robin)

Salon des Artistes Français 2023
Grand Palais Éphémère, Paris
15 – 19 février 2023

Coronavirus oblige, je n’avais pu me rendre, en février 2022, à « Art Capital ». Cette année fut donc pour moi la découverte de l’espace du « Grand Palais Éphémère », conçu par l’architecte Jean-Michel Wilmotte. Installé place Joffre sur le Champ de Mars à Paris, il s’ouvre d’un côté sur l’École militaire et de l’autre fait face à la Tour Eiffel. Constitué de 44 arches monumentales culminant à 20 mètres, il offre un espace très agréable. Ce lieu accueille pour la deuxième fois les quatre salons d’art fusionnés depuis 2006 : “Artistes Français” (plus de 600 artistes exposés), “Artistes indépendants”, “Comparaisons” et “Dessin Peinture à l’eau”.

C’est bien sûr le premier salon qui nous intéresse, dans son 233e opus, puisqu’il renferme une grande section “Gravure”, qu’il ne faut pas manquer.Cependant, dans l’éditorial du catalogue, le président de la « société des Artistes Français », Bruno Madelaine, évoque en marge du succès continuel de la manifestation un pessimisme préoccupant, précisant : « Cependant, force est de constater que le Ministère de la Culture se désengage depuis plusieurs années en nous réduisant son aide financière pour nous forcer au silence et nous faire disparaître de la scène artistique. » Des propos incisifs, y ajoutant lors des remerciements : « Nous regrettons que Madame la Ministre de la Culture et de la Communication nous ait refusé son soutien et son éditorial, contrairement à beaucoup de ses prédécesseurs qui l’avaient fait ».

Quittant la politique et les interrogations qu’elle pose, nous pénétrons dans le hall immense où l’art, sous ses diverses formes, jaillit de la lumière. Dépassant la section photographie, nous entrons dans celle de la gravure. Nous y retrouvons cette atmosphère particulière où l’intimité des œuvres se dévoile à loisir au regard des visiteurs. Nous sommes en semaine, le public est là mais sans excès, une présence qui ménage à la fois le plaisir des rencontres et l’observation sans contrainte des cimaises. Des estampes dans une grande diversité créative. Bien mises en scène sur les cimaises, elles répondent à un choix original de présentation, ― reconduction picturale de l’année précédente ―, des organisateurs : le président Guy Braun, fin connaisseur et praticien des différentes “manières”, et Isabelle De Font-Réaulx, taille-doucière voyageuse et présidente de l’association « Pointe et Burin ».

Panneau Guy Braun – Caroline Lesgourgues (Cl. Gérard Robin)

Une finalité visant à éviter de grouper les créations d’un artiste autour de sa signature et au contraire de les alterner sur leur panneau, dans un souci d’harmonie et même parfois, pourquoi pas, de rupture. Cela afin de ne pas enfermer le regard dans un style et inciter à un parcours destiné, comme le souligne Guy, à « créer une narration ». Le mélange est singulier mais fonctionne, mettant en relief l’imaginaire des uns et des autres. L’élément complémentaire, qui permet de bien comprendre et apprécier le travail stampassin, est aussi la présence çà et là, de matrices voisinant leur tirage. Pour le néophyte, la compréhension de l’estampe est là, à défaut de démonstrations, peu réalisables dans ce type de manifestation. Autre plus, la présence de cartons d’estampes présentes en cimaises ou non, complétant l’accrochage et offrant une meilleure connaissance de l’œuvre gravé d’un artiste, un choix d’acquisition plus large pour les amateurs intéressés.

Judikael, cuivre et estampe (Cl. Gérard Robin)

A noter que nombres d’anciens médaillés sont présents en cimaises. Médailles d’honneur : Yves Marchaux, Guy Braun, Manuel Jumeau. Médailles d’or : Isabelle de Font-Réaulx, Nicole Guezou, Frédérique Galey-Jacob, Diane Latrille. Médailles d’argent : Judikael, José Luis Giambroni, Caroline Lesgourgues, Armelle Magnier, Aleksei Bobrusov, Nayla Hitti, Hélène Midol. Médailles de bronze : Yoshiko Obata, Isabelle Delamarre, Jyce, Marianne De Nayer, Yannick Dublineau, Jullien Clément, Jacques Meunier, Alexey Akatiev, Jim Monson, Nelly Reymond, Jean-Pierre Ritz.

Cette année, les médailles 2023 ont été décernées, pour l’or à Caroline Lesgourgues, pour l’argent à Marianne De Nayer, Yannick Dublineau et pour le bronze à Nicolas Prod’homme, Bruno Spadaro, Michèle Vinzant. Quatre distinctions ont été par ailleurs attribuées : Prix Taylor à Nayla Hitti et Manuel Jumeau, Prix Hahnemühle à Michel Cailleteau, Jyce, Jacques Meunier, Jean-Pierre Ritz, Prix Charbonnel à Jean-Marie Munier, Prix Lucien et Suzanne Jonas à Hyang Sook Jo et Prix Art & Métiers du Livre à Jeannine (Jeanne Montadon).

Et comment ne pas citer les intervenants non récompensés : Jeanine, Jo Hyan Sook, Sébastien Lacombe, Marhiester, Lena Mitsolidou, Asako Nagasawa, Paz Borquez-Chevallier, Nicolas Camille Prod’homme, Corinne Rod, Bruno Spadaro, Michèle Vinzant, Ziyu Zhou.

Pour conclure, nos compliments aux organisateurs pour le travail fourni et la qualité de leur section, qui ajoute sa réussite aux trois autres : peinture, sculpture et photographie. Un ensemble qui devrait sensibiliser les pouvoirs publics à soutenir la présence artistique hexagonale, essentielle à l’équilibre de notre société en la période difficile et incertaine que nous vivons.

Gérard Robin