Paul Valéry

Portrait de Paul Valéry, xylographie d’Achille Ouvré, 1939 (Cl. Ebay)

Paul Valéry, plus connu comme poète, écrivain et philosophe, s’adonna aussi à la gravure dont il illustra de sa main quelques-uns de ses livres. Un de nos fidèles lecteurs, Angelo Giusto, a transmis à la rédaction une très belle citation de l’auteur de « La jeune Parque » que nous nous faisons un plaisir de partager avec tous nos lecteurs.

« Je vous aime, graveurs, et partage votre émotion quand vous élevez à la lumière, tout humide encore, et délicatement pincé du bout des doigts, un petit rectangle de papier à peine issu des langes de la presse. Cette épreuve, ce nouveau-né, ce rien, mais essentiel, qui suppose le tout de l’intelligence. Nous communions dans le Blanc et le Noir, dont la Nature ne sait rien faire, elle ne sait rien faire avec un peu d’encre. Elle a besoin d’un matériel littéralement infini, mais nous, fort peu de choses, et, s’il se peut, beaucoup d’esprit. » Paul Valéry

« Deux femmes au balcon » eau-forte de Paul Valéry, 1944 (Cl. Pazzart)

Les curieux pourront facilement retrouver, en faisant une recherche sur Internet, quelques autres estampes de Paul Valéry ou celles d’autres artistes graveurs qui ont illustré les textes de cet intellectuel dont les inscriptions en lettres d’or ornent toujours le palais de Chaillot à Paris :

« Il dépend de celui qui passe
Que je sois tombe ou trésor
Que je parle ou me taise
Ceci ne tient qu’à toi
Ami n’entre pas sans désir ».

La rédaction

Hélène Nué

Hélène Nué

Hélène Nué, buriniste, née le 24 septembre 1952,  est décédée le 25 septembre 2022.  Quelques-uns de ses amis lui rendent ici hommage, porte-parole de beaucoup d’autres.

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« Hélène, comme vient de nous l’annoncer ton compagnon, te voilà “envolée au paradis des graveurs”, tu as quitté notre réalité pour rejoindre “le monde des idées”, le Mundus imaginalis qui t’aura tant inspirée durant cette vie de féconde créativité.

Tu as été une virtuose du burin, instrument qui demande pour être apprivoisé une extrême rigueur, le repentir n’est pas permis. Aucune rigidité dans le trait, au contraire une étonnante souplesse, reflet de la délicatesse d’une main experte, affirmée et douce à la fois. Comme une caresse déposée sur le cuivre.
La technique parfaitement maîtrisée était au service de ta sensibilité créatrice.
Travaillant inlassablement, puisant aux sources intarissables de ton imagination, tu étais renommée pour tes ex-libris dont les commanditaires se pressaient de toute l’Europe et au-delà. Heureux aussi tes amis qui pendant des décennies ont reçu tes cartes de vœux, petits chefs-d’œuvre d’inventivité parfaitement dessinés, gravés et imprimés.

Pour tes œuvres de plus grandes dimensions les thèmes abordés étaient ceux de la Nature que tu révérais. Mais point de reproduction académique, non, toujours l’interprétation personnelle particulièrement délicate et d’une étonnante originalité, le rêve se mêlant à une réalité transposée par le regard subtil d’une poétesse de l’image.

Les collectionneurs avertis disent de toi que le style d’Hélène Nué reflète une totale indépendance d’esprit, tu n’auras en effet jamais été influencée par les modes ou les tourments du Monde. Ton œuvre gravé se situe hors du temps et de l’Histoire.

Nous tous qui t’avons connue ou rencontrée à l’occasion d’un vernissage avons été marqués par ton extrême discrétion, ta simplicité et ta gentillesse. Nous étions touchés par tant d’humilité. Point d’attirance pour les honneurs qui t’étaient pourtant dus, seules t’animaient la passion de la rigueur, la sincérité, la cohérence et la Liberté.

Hélène, grande artiste-buriniste et humaniste discrète, tu es pour toujours dans nos cœurs. »

Éric Robert-Aymé,
le 29 septembre 2022

Hélène Nué, Éclosion,

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Hélène Varchavsky transmet ces passages de la poétesse et amie d’Hélène, Marie Rialland, qui a bien écrit sur Hélène et son art. : « Sa gravure dit le geste patient, la lenteur nécessaire pour donner à voir le frémissement du feuillage, l’élégance de la fourmi, la douceur cotonneuse de la plume. Sa gravure dit la précision du burin à la recherche d’un monde secret, inconnu, oublié et pourtant si familier. » « Dans ses créations, l’interprétation de la nature familière, animalière et paysagère se transforme au gré de ses rêveries. » « L’art sensible d’Hélène donne vie au dessin, invite à s’attarder sur la volute d’une ligne, l’envol d’une graine, l’arrondi d’une colline, la ramure d’un chêne. Elle grave léger et profond, elle grave nature et poésie. À nos yeux fatigués, parfois blasés, elle offre une pause bienfaisante, un moment de beauté ».

Hélène Nué, Le Piège, 300 x390 mm

Depuis sa première participation à l’exposition annuelle de Pointe & Burin en 1990, Hélène y avait été invitée quinze autres fois. Elle a réalisé trois planches de souscription pour l’association, en 1999 « Le criquet », en 2007 « Et cætera » et en 2016 « Le vent ».

Hélène Nué, Vent

Elle fut invitée d’honneur de Pointe & Burin en 2007 et sociétaire de l’association de 2008 à 2012, date de son départ dans les environs de Nantes. J’aimais Hélène pour son immense talent et pour sa personnalité si naturellement honnête, la créativité sous son métier d’artisan d’art, de buriniste et d’imprimeur émérite. Je l’aimais car elle ne trichait pas, ni dans sa façon de vivre, ni dans sa vision de la nature, transposée comme sous une immense loupe en poésie pure, pleine d’humour, de légèreté et de grâce, sans affèterie.

Elle avait participé en 2019 au projet pour le joaillier Chaumet avec onze autres graveurs, chacun d’entre eux choisissant un bijou de la collection patrimoniale de Chaumet, pour en faire le portrait, à sa manière et selon sa technique. A cette occasion voici ce qu’elle me disait de son choix et de sa vision de ce Diadème contemporain, si éloigné de sa vie, de ses sujets et intérêts habituels.

« Passionnée de nature et de nature contemplative, le ciel étoilé m’a souvent fascinée… tête en l’air sur le velours de la nuit on rêve de fixer une étoile filante, de la retenir le temps d’un vœu ?

Le projet de diadème d’Hélène Nué

Le diadème Étoiles étoiles m’a choisie, arrêtée, séduite moi qui aime la nature dans sa simplicité, les fleurs et les insectes, le vent quand il souffle sur les graminées…
J’ai vu une pluie d’étoiles filantes, un astre qui se lève et illumine le ciel où passent d’autres étoiles, un grand spectacle, un feu d’artifice, une immensité scintillante de brillants dans la magie de la nuit… dont on sort éblouie. »

Hélène va bien nous manquer à tous, graveurs, amis, collectionneurs…

Hélène Varchavsky
et l’Association Pointe & Burin

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Avec le maniement spectaculaire de l’outil en taille directe qu’est le burin, Hélène Nué rejoint les plus grands maîtres burinistes, dans la lignée des Dürer, des Mohlitz, des Doaré…, mais au service d’une thématique apaisante, inspirée de la Nature.

Dans cette source d’inspiration inépuisable, elle a su faire germer et fleurir des formes végétales foisonnantes : courbes et contre-courbes, ondulations, spirales donnant vie et mouvement aux racines, aux feuillages et autres arborescences, ainsi qu’aux nuages, aux reflets dans l’eau et aux vagues déferlantes.

Si j’admirais la virtuose du burin, à l’imagination débordante tout en restant dans le cadre de la figuration, capable de transformer des motifs végétaux en variations graphiques illimitées et joyeuses, j’admirais également la femme aux qualités humaines rares chez les artistes : modestie, humilité et générosité.

Sa disparition laisse un grand vide dans le petit monde de la Gravure. Souhaitons que ses œuvres continuent à nous parler d’elle, de sa passion pour le burin et pour la Nature, souhaitons qu’elles puissent encore toucher un public sans cesse renouvelé.

Anne Brasse
(Galerie Anaphora)
6 octobre 2022

Pourquoi le 26 mai ?

Logo de la dixième Fête de l’estampe

En cette année 2022, Manifestampe fête la dixième édition de la Fête de l’estampe. Pendant ces dix ans, la notoriété de cet évènement a monté en puissance et il est devenu un rendez-vous annuel des acteurs de l’estampe en France et dans d’autres pays en Europe. Pourquoi avoir choisi cette date du 26 mai pour célébrer comme il se doit l’art de l’estampe ? Voici comment, au moment de la préparation de la première fête, Maxime Préaud argumentait ce choix.

L’art de l’estampe, en Occident, est relativement récent, puisqu’on n’a commencé à l’y pratiquer qu’à la fin du XIVe siècle, se développant en même temps que l’industrie du papier. Il a par conséquent échappé au carcan des communautés de métiers (qu’on a appelées à tort des corporations), qui impliquaient numerus clausus, compagnonnage et maîtrise.

L’essor de la gravure en taille-douce dans la France de Louis XIII et de Louis XIV a donné à plusieurs, en 1644, en 1651 et encore en 1660, l’envie d’en tirer bénéfice en créant une communauté des graveurs et marchands de taille-douce qu’ils pourraient taxer. Ils se heurtèrent à chaque fois à la vive réaction de ceux qu’ils entendaient « maîtriser », avec à leur tête d’abord Abraham Bosse puis Robert Nanteuil. Ce dernier était fort bien en cour, notamment après avoir fait le portrait du jeune Louis XIV, lequel sut entendre les raisons exposées par l’artiste dans un mémoire qu’il avait adressé au chancelier de France, et dont certains éléments sont repris textuellement dans l’arrêt de Saint-Jean-de-Luz du 26 mai 1660, qui annule un arrêt pris dans le sens contraire peu de temps auparavant.

« […] Sa Majesté ayant été informée des mauvaises conséquences que pourrait produire l’exécution de cet arrêt à la gloire de la France dont l’avantage est de cultiver autant qu’il est possible les arts libéraux, tel qu’est celui de la gravure en taille-douce au burin et à l’eau-forte, qui dépend de l’imagination de ses auteurs et ne peut être assujetti à d’autres lois que celles de leur génie, […]

Qu’aucun [des] ouvrages [de cet art] n’étant du nombre des choses nécessaires qui servent à la subsistance de la société civile, mais seulement de celles qui servent à l’ornement, au plaisir et à la curiosité, le débit par conséquent, qui dépend du hasard et de l’inclination, en doit être entièrement libre,

Que ce serait asservir la noblesse de cet art à la discrétion de quelques particuliers qui ne le connaîtraient pas que de le réduire à une maîtrise dont on ne pourrait faire d’expérience régulière et certaine, puisque la manière de chaque auteur de la gravure est différente de celle d’un autre, la diversité y étant aussi grande et aussi nombreuse qu’il peut y avoir de desseins,

Finalement […] Sa Majesté […] a maintenu et gardé, maintient et garde l’art de la gravure en tailles-douces, au burin et à l’eau-forte, et autres manières [quelles] qu’elles soient, et ceux qui [en] font profession, tant régnicoles qu’étrangers, en la liberté qu’ils ont toujours eue de l’exercer dans le royaume, sans qu’ils puissent être réduits en maîtrise ni corps de métier, ni sujets à autres règles ni contrôles, sous quelque nom que ce soit, laissant les choses comme elles ont été jusqu’à présent dans cette profession ».

Ne nous y trompons pas, cette liberté est toute relative : l’absence de maîtrise n’exclut aucunement la censure, et il n’est pas question, sous peine d’être vite embastillé, de produire des images portant atteinte à la personne du Roi, à la religion et aux bonnes mœurs. Néanmoins il y a dans ce texte des mots forts qui permettent de retenir la date du 26 mai 1660 comme un moment important de l’histoire de l’estampe en France.

Aussi pouvons-nous proposer le jour du 26 mai pour une célébration annuelle de l’estampe, sous des formes à définir, toutes les idées étant bienvenues.

Maxime Préaud
Président de Manifestampe

Cet argumentaire était suivi d’un appel à tous les acteurs de l’estampe afin que tous ensemble, le même jour, ils célébrassent l’art de l’estampe partout auprès du public d’amateurs et de curieux.

Appel pour la Fête de l’estampe

Où que vous soyez en France ce jour-là, préparez et organisez un événement, grand ou petit, sur l’art de l’estampe. De prestige ou confidentiel, n’importe, pourvu que l’estampe y soit mise en valeur. Vous pouvez tout imaginer : une exposition, une ostension, une démonstration, une porte ouverte, un atelier en plein air, un stage, un cours, un exposé, une conférence, une table ronde, un carton ouvert dans la rue, l’inauguration d’une plaque, un dépôt de gerbe, une vente aux enchères, une braderie, un collage mural, un kakémono géant, etc. Tout est libre, tout est possible d’imaginer là où vous êtes, à la campagne, en ville, en province ou dans un palais de la République. Surtout faites-nous savoir comment et où vous allez fêter l’art de l’estampe en ce 26 mai 2013.

Le logo de la première Fête de l’estampe

Manifestampe se proposait ensuite de répertorier sur son site Internet tous les évènements qui seraient organisés ce jour-là. Depuis devant son succès qui grandissant d’année en année, un site particulier lui fut consacré qui est maintenant partie intégrante du nouveau site de Manifestampe.

La rédaction