Gravure aux Tanneries

Les Tanneries
234 rue des Ponts
45200 Amilly
10 au 20 septembre 2020

« Lady Godiva » de Tereza Lochmann (Cl. Sophia-Antipolis)

En parcourant les pages de mon journal local : L’Éclaireur du Gâtinais (n° 3908, mercredi 23 septembre 2020), je suis tombé sur un petit article relatif aux Journées du patrimoine au Centre d’art contemporain des Tanneries, à Amilly, dans le département du Loiret. Un événement auquel je n’ai pas assisté, mais qu’il me semble intéressant de rapporter, car la gravure y fut à l’honneur. Elle s’articulait autour de l’intervention d’une artiste plasticienne, née en 1990 en Tchèquie, Tereza Lochmann (ou Lochmannová), diplômée de l‘Académie des arts, architecture et design (UMPRUM) de Prague et de l’École nationale des Beaux-Arts (ENSBA) de Paris, et dont la base du travail est la xylogravure en grand format qu’elle pratique d’une manière singulière. En effet, si l’on se réfère à son site : « À travers du détournement du processus classique, elle se sert de la gravure sur bois et de l’impression comme d’outils pour peindre. Dans ses œuvres, réalisés en un seul exemplaire, la gravure tente à dépasser son application traditionnelle et devient un médium contemporain, vivant et variable. »
Une artiste en quête de liberté de pensée, de spontanéité et de force graphiques, en questionnement sur l’humanité, dans une démarche créative pleine de promesses, à suivre absolument.

Et, voici, sous la plume du journaliste, ce que j’ai pu lire dans mon journal : « Dans le cadre de ces journées du patrimoine tournées sur le thème de l’éducation, des visites guidées et ateliers de gravure se sont déroulées ce week-end aux Tanneries.

Séance de travail – encrage (Cl. Jeanne-Pelloquin)

Dimanche avait lieu également au centre d’art contemporain la restitution de résidence de Tereza Lochmann, artiste plasticienne spécialisée dans la gravure sur bois, en présence du maire Gérard Dupaty, Fabrice Morio, directeur régional des affaires culturelles, et François Bonneau, président de la région.
60 à70 enfants et adultes de l’école d’arts d’Amilly ont été accueillis du 10 au 20 septembre par l’artiste, aidée de David et Vincent, professeurs plasticiens. La presse de Georges Thouvenot* acquise par la ville a été utilisée, tel un trait d’union entre deux époques, et aux côtés des gravures à la gomme et à l’encre à l’eau réalisées, une œuvre collective représentant un arbre de vie en a émané. »

Arbre de Vie (Cl. Jeanne-Pelloquin)

« Les Tanneries sont un nom qui circule chez les jeunes artistes à Paris. Le confinement a rendu les élèves plus heureux de découvrir et de s’essayer à des techniques de gravure », a confié l’artiste, qui vit dans la capitale.
Éric Degoutte, le directeur du Centre d’art amillois, donne à présent rendez-vous au public le 10 octobre, pour le lancement de la 5e saison artistique. Elle sera présentée ultérieurement. »

* Nota : Rappelons que Georges Thouvenot (1909-2008) est un artiste graveur, dessinateur et peintre qui, après des études à l’École Estienne en 1924, puis à partir de 1927 aux Beaux-Arts de Paris, obtint en 1934 le 2e Prix de Rome de gravure, avec une œuvre intitulée : « Le Remords d’Oreste« , dont il fut dit que l’originalité de la composition et l’esprit romantique firent l’unanimité de la critique. Il quitta Paris pour être professeur d’arts plastiques à Montluçon, dans l’Allier, avant de se fixer en 1943 dans le Loiret, à Montargis, où il enseigna son art. Il fit don de ses gravures à la Bibliothèque municipale de la ville.

Gérard Robin

Jean Lodge sillonne le bois

Galerie l’Angélus, Series
34, Grande Rue
77630 Barbizon
19 septembre – 18 octobre 2020

Vue de la galerie Séries (Cl. Gérard Robin)

A l’occasion des 37e Journées européennes du patrimoine, l’animation était grande dans les rues du village de Barbizon, mais sans excès en raison de la présence potentielle du Covid 19, les visages masqués pour les promeneurs non installés à la terrasse des cafés et déambulant à la découverte de la mémoire des Impressionnistes. Le temps était beau, d’une chaleur un peu lourde sous couverture nuageuse, mais propice à la flânerie. Face au musée Millet, l’une des galeries l’Angélus, – celle dénommée Series -, (car il en a deux autres : Fine Art et New Art), accueillait la présence d’une grande dame de la gravure : Jean Lodge.

 

Un bien grand plaisir de retrouver cette artiste sympathique et hors norme, d’échanger avec elle, et de revoir sans se lasser, sur cimaise ou en cartons, nombre de ses estampes dans une rétrospective allant de la litho à la taille-douce aquafortée et surtout burinée, et bien sûr  la taille d’épargne sur bois de fil, la matière qu’elle rattache à l’environnement boisé de son enfance et qui est aujourd’hui un support dans lequel elle excelle. De véritables merveilles, qui s’inscrivent dans une démarche qui la touche au plus profond d’elle-même, nécessaire, porteuse de révélations souvent insoupçonnées au fil des planches, et dans laquelle elle puise son souffle vital et se régénère en permanence.

Une vue de l’exposition (Cl. Gérard Robin)

La journaliste et écrivaine Laurence Paton, dans un bel article paru dans la revue Art & Métiers du Livre (n° 337, 2020), commence ses propos ainsi : « Regarder l’œuvre gravé de Jean Lodge et s’entretenir avec elle, c’est s’approcher progressivement d’une vérité biographique, historique et artistique, découvrir peu à peu le motif qui sous-tend tout son travail et à partir duquel elle crée ses images singulières. Comme dans la vie, en tout cas la sienne, c’est une quête permanente, et de l’arrière-fond de ses bois polychromes surgissent soudain des visages, le plus souvent féminins, des mains, des enfants, des papillons, des arbres, des clowns, des marais salants, des bribes de texte. Rien n’est donné d’avance, tout se dévoile et se dérobe en même temps. Parfois il faut s’éloigner de l’image pour la voir apparaître, et c’est alors comme si un fantôme venait à notre rencontre. Intuitivement mais savamment composées, ses gravures semblent construites autour d’une énigme, une énigme qui fait rêver ».

« Visage 17 », xylographie, 2015 (Cl. Gérard Robin)

Quant à son art, dans son approche technique, artistique et sensuelle, Jean Lodge le décrit ainsi, transcrit de l’américain par Gérard Sourd (Nouvelles de l’Estampe n° 201, 2005 : « Chaque planche possède son caractère propre. Je la respecte et travaille avec elle, j’utilise beaucoup de sortes de bois, parmi lesquels le mûrier, le poirier, l’érable, le tilleul, le noyer et le pin… La force, la direction du fil, le grain, et l’approche que je peux avoir d’une pièce sont les facteurs déterminants. » … « Quand je travaille, je cherche à introduire des mutations […], j’essaie d’accueillir l’imprévu. Faire une estampe est une aventure. L’image finale, telle qu’elle apparaît au tirage, doit “fonctionner“ uniquement par rapport à elle-même, et non par rapport à une image conçue à l’avance, ou préexistante. Si tel n’était pas le cas, il n’y aurait aucune raison de suivre la procédure complexe et indirecte d’élaboration d’une estampe. Pour moi, l’intérêt de travailler sur des “impressions“ n’est pas de produire des multiples ; c’est plutôt la possibilité qui m’est donnée de découvrir des images qui ne pourraient pas apparaître d’aucune autre façon. »

Et de conclure, avec le conservateur en chef honoraire au département des estampes et de la photographie de la BnF, Claude Bouret (Fondation Taylor, 2016) : « Une très vive sensibilité à la permanence du passé, de préférence le plus lointain, est la clé de son œuvre. Car elle puise ses images dans la technique de la xylographie, un medium magique pour apprivoiser les vibrations du temps ».

Cela dit, hors les discours, il faut absolument redécouvrir, – ou découvrir pour ceux qui ne connaîtraient pas -, ces œuvres attachantes, mises en relief dans la galerie barbizonnaise de Iam et Bachar Farhat.

Gérard Robin

Salon Art & Matière

Quarante-cinquième Salon Art & Matière
dans le département de l’Essonne (91)
du 25 janvier au 2 février 2020

Une fois de plus, nous voici au cœur de ce petit salon pluridisciplinaire rural, “Art & Matière”, placé sous le patronage du président du Conseil départemental de l’Essonne, François Durovray, et qui, à l’image de la grande triennale du petit format de Chamalières, présente ses disciplines dans diverses communes du sud de l’Essonne, au long de la D449 : Boigneville, Maisse, Prunay-sur-Essonne, Vayres-sur-Essonne, et Gironville-sur-Essonne, cette dernière dévolue principalement à l’estampe. Avec un regard qui apprécie les artistes présents, réunis par la présidente et graveuse Caroline Delépine, dont certaines signatures nous sont bien sûr connues, et qui séduisent toujours par leur qualité picturale. Après Jean Lodge,  c’est Sophie Sirot, fidèle de l’Atelier de Chaville, qui en est l’invitée d’honneur. Des visions pleines de fraîcheur, de charme et de sérénité, dont j’avais écrit, pour l’un de ses catalogues : « Ses images sont emplies de vie, de gens qui passent, regardent ou se joignent. Le souffle de son inspiration, elle le prend dans la présence d’un vent complice, invisible, qui traverse invariablement ses estampes, animant les divers éléments du paysage, mais aussi suggérée par le mouvement révélateur des vêtements des personnages, très fluides pour les femmes, volontairement de style “retro” pour mieux l’exprimer, tout en laissant poindre une impression intemporelle »… « L’œuvre de Sophie Sirot, qu’elle soit peintre ou graveuse, enchante avec la même force. Il y a une correspondance intime entre elles, une même vibration, cette petite musique de l’âme qui lui sied si bien. » C’est pourquoi elle fut l’invitée en 2019 du salon de Souppes-sur-Loing, en Seine & Marne, “Cimaises 77, Les Chants du Signe”, où musique et tailles étaient en correspondance.

Une vue d’une partie de l’exposition (Cl. Gérard Robin)

L’accompagnant, citons : Sophie Cordey, plus peintre que graveuse, puisque exprimant en toute liberté des mouvements fluides de couleurs au travers du monotype ; François Dubois, qui accompagne ses eaux-fortes de burin, voire de pointe sèche, au regard des “verticales des troncs” et des “courbes des branches” et à l’écoute de leurs chuchotements ; Sylvie Dujoncquoy et des aquatintes d’atmosphère, dont je retiendrai “The Posting Box” ; Abderrahmane Mada, où l’aquatinte donne une force extraordinaire à ses visions méditerranéennes pastorales, entre ombres et lumières, et où le coup de cœur ne sait que choisir : “Transhumance”, “Cueillette des olives”, etc. Isabelle Panaud, dont je retiendrais le triptyque en manière noire “3 plumes”, mais qui excelle en pointe sèche, et maîtrise l’héliogravure dans de belles “Meta-Morphosis/de l’un à l’autre”, créant la symbiose entre l’ornithologie pollinisatrice et le végétal ; Mika Shibu qui apporte sa sensibilité extrême orientale dans des visions délicates, parfois mises en relief par des gaufrages ; Angeles Testera, où la pointe sèche sur cuivre évoque avec délicatesse, parfois sur Chine collé, ses rencontres des bords de chemin, marguerites, papillons, ombelles, odes graphiques qui ont de quoi séduire chacun ; Michel Ziegler, par ailleurs professeur de gravure à l’école polytechnique de Palaiseau depuis 2013, qui marie en harmonie le vernis mou et la pointe sèche, et donne envie de découvrir ce Château de la Saussaye, à Vert le Grand, où, je crois, il participe à des manifestations d’art : coups de cœur, entre autres, pour “Sous bois” ou “Allée de la Saussaye”. Enfin, pour l’artisanat d’art, Odile Touchais-Leriche, qui présente des créations diverses, dont des gravures (sur cuivre ou zinc), imprimées sur textile.

au vernissage, de gauche à droite : le vice-président d’Art & Matière, Albert Duchesnes ; Sophie Sirot ; le maire de Gironville, Alain Joyez et la présidente de l’association, Caroline Delépine. (Cl. Gérard Robin)

Deux prix furent attribués, en dehors d’un prix du public à venir en fin d’exposition : le prix de l’Office de tourisme du canton de Milly-la-Forêt, à Abderrahmane Mada, et le prix Lantara, offert par le parc régional du Gâtinais français, à Isabelle Panaud. Une visite de salon qui, pour reprendre un mot du maire de Gironville sur Essonne, Alain Joyez, lors du vernissage, “enchante” le regard et donne l’envie d’estampes.

Gérard Robin