S’informer et voir ?

Une monographie de la galerie Anaphora (Cl. Christine Moissinac)

Rester informé est difficile. Et, en même temps, grâce ou à cause des réseaux sociaux, les images et photos d’œuvres et les annonces d’expositions, de manifestations, de parution de livres ou de catalogues se multiplient. C’est à la fois passionnant – la tentation d’aller de ci de là est très forte – et assez troublant – ce qui est reçu est fragmentaire, même anecdotique – ! Alors s’accumulent des images dispersées, souvent vite oubliées. Un seul avantage, parfois, quand on peut les retrouver, tenter une comparaison, vérifier un détail…

Mais le paradoxe est là : quand les galeries – et même les musées et toutes les institutions culturelles se ferment ou restreignent leur accès, la manne des images envoyées à tout vent est le seul moyen pour des artistes de se faire connaître. Alors chacun fait comme il peut. Personnellement, je milite pour des informations regroupées et je constate que je suis plus attentive quand un message m’arrive au nom ou sous l’égide d’un groupe. Par exemple « Parlons gravure », « Printmakers international », « Cartons extrême carton » et bien d’autres ; dans cette logique, le rôle des réseaux, de plus en plus nombreux et des associations animées par des bénévoles, est essentiel : ayons ainsi une pensée pour Marie-Thérèse Breton, récemment décédée, qui montait avec l’association qu’elle présidait, des expositions de référence accompagnées de supports écrits. À une autre échelle, il faut saluer le rôle de Manifestampe dont le site aide à avoir une vue synthétique du paysage de l’estampe.

Et,  il reste les catalogues, les recueils et les livres, même les plus modestes : ils sont là à portée de main, de regard, de lecture. Et, ils le sont dans la durée, attendant patiemment qu’on les utilise ! On peut citer trois exemples réussis parmi beaucoup d’autres, qui relèvent de logiques d’écriture et de composition bien différentes :

  • entre catalogue et présentation, ce petit livre rédigé par A. Brasse, artiste et directrice artistique de la jeune galerie Anaphora a été édité à l’occasion d’une exposition de l’artiste, ici, André Beuchat. Il dit le parcours de l’artiste, ses intérêts, ses exigences et constitue de ce fait un document de référence.
  • « Impressions d’ateliers » aux éditions Riveneuve, dessins, textes et gravures de France Dumas. L’ensemble constitue une œuvre en soi qui se lit comme un tout : textes et illustrations ne peuvent pas être séparés, unis dans une même logique de saisie d’instants et d’explicitation.
  • Un récit, en fait l’écriture d’une émotion, celle de Marcel Moreau à partir et autour des estampes de Charlotte Massip. Images et texte s’enchevêtrent, se correspondent, se renforcent, et parfois s’évadent, ouvrant des échappées poétiques à la curiosité et la méditation du lecteur. « Les disséqués » aux éditions R. A.

Christine Moissinac

Expositions indemnes

Une vue de l’exposition du « Trait » à Saint-Aubin (Cl. Christine Moissinac)

Hommages aux municipalité qui consacrent temps, énergie et finances à accueillir et encourager des manifestations artistiques. Cependant pour qu’un événement ait lieu, il faut qu’en face existe un opérateur, le plus souvent une association qui va apporter le contenu, le cœur du projet. Deux acteurs indispensables qui se complètent, s’entraident, se soutiennent. Pari gagné mais paris risqués ! En voici deux exemples.

« Iles » exposition de « Le Trait »
6 juin au 7 juillet 2020
La Halle
72bis rue Pasteur
14750 Saint-Aubin sur mer

D’un côté, la ville de Saint-Aubin sur mer, une toute petite commune, deux mille huit cent trente sept habitants au dernier recensement, qui dispose d’une salle d’exposition de grande qualité. Et, de l’autre, une association, « Le Trait », qui comme toutes les autres vit grâce à l’engagement et l’énergie de ses membres, et en particulier de son très regretté président Maurice Maillard décédé au début de l’année. Peu de moyens donc, mais une belle exposition rassemblant dix-sept artistes, sur un thème riche en symbole, les İles. Au sens où l’entendait Chardin : « la peinture est une île dont je n’ai fait que côtoyer les bords ». Et encore : « l’art ne serait-il pas de ces des lieux rêvés, inaccessibles et improbables de retrait solitaires ». À chacun le sien dans la plus
grande liberté, avec comme seule contrainte la rigueur de la technique qui est une des exigences des membres de l’association.

113° Salon d’Orléans
9 au 25 octobre 2020
Collégiale Saint-Pierre le Puellier
45000 Orléans

Une vue du Salon d’Orléans (Cl. Christine Moissinac)

Il s’agit d’une grande manifestation organisée annuellement par la Société des artistes 6rléanais, dans la collégiale Saint-Pïerre le Puellier, lieu dédié aux expositions proposées et subventionnées en partie par la Ville d’Orléans. Cette année, plus de cent exposants, peintres, graveurs, sculpteurs, céramistes et plus de cinq mille visiteurs malgré la situation sanitaire. Pour ce cent treizième Salon, un invité d’honneur, le sculpteur japonais Tetsuo Harada et un hommage à Maurice Genevoix, fondateur de cette société. Depuis dix ans existent des liens étroits avec les ateliers Moret qui décernent un prix à un exposant graveur consistant en l’impression d’une plaque en vingt tirages et qui ont présenté cette année quatre artistes, Thomas Fouque, Mikio Watanabé,  Nathalie Grall et Ariane Fruit, par ailleurs habitués du palmarès du prix Gravix.

Christine Moissinac

Estampes XXL

« Estampes monumentales XXL »
du 25 mai au 15 septembre 2019
Musée des beaux-arts de Caen
Le Château
14000 Caen

Sous ce titre choisi par le Musée des Beaux-arts de Caen, ont été exposés des artistes parmi les plus connus du public comme Alechinsky, Baselitz, Serra, Tapies, Brown, Dine, etc. aux côtés d’autres plus jeunes : Marie-Ange Guilleminot, Christian Schwarzwald, Patrick Gabler, Julie Mehretu, Christiane Baumgartner, Djamel Tatah, Frédérique Loutz, Claude Closky, Agathe May et Bruno Hellenbosch. L’estampe classique, telle que nous la connaissons, est bousculée par leurs recherches sur les supports, certains parfois surprenants (tissu d’ameublement, papier peint ou encore caoutchouc), par la notion de multiple et le mélange des techniques.

« Sixième journée » de B. Hellenbozch (Cl. Christine Moissinac)

À l’entrée du musée, une œuvre de B. Hellenbosch, ou plutôt le dixième d’un travail monumental (100 plaques de bois réunies 10 par 10), inspiré par le Décaméron de Boccace et sa structure décimale. Dix journées donc, chacune composée de dix thèmes faisant appel à dix narrateurs. Ici, la sixième journée : autour du Don Quichotte de Picasso, où abondent librement de multiples éléments visuels issus d’autres histoires souvent puisées dans notre mémoire et parfois venus de loin.

Un des panneaux de « Bruit de fond » (Cl. Christine Moissinac)

En parallèle, à la galerie Mancel, neuf étudiantes de l’Esam Caen/Cherbourg présentaient « Bruit de fond » constitué de cinq matrices de bois gravées encrées en noir de 2m50 de côté chacune : Amélie Asturias, Elisa Bertin, Lucille Jallot, Haniyeh Kazemi, Jéromine Lancial, Salomé Lapleau, Margaux Le Pape, Sonia Martins et Adèle Vallet nous invitent à nous pencher sur notre civilisation et les vestiges qu’elle engendre, sujet tout à fait d’actualité.

Christine Moissinac