Salon d’automne 2019

Salon d’automne
avenue des Champs Élysées
75008 Paris
du 10 au 13 octobre 2019

Pour la 116° édition de cette grande manifestation orchestrée par la présidente, Sylvie Koechlin, et située sur les Champs Élysées, la section gravure du Salon d’automne 2019 n’a pas démérité. Cette année, 65 artistes avaient été invités, sous la houlette du président de la section, Claude-Jean Darmon et de Sabine Delahaut, membre du conseil d’administration. Parmi eux, neuf artistes slovaques étaient présents, avec le soutien de l’ambassade de Slovaquie et la collaboration de l’Institut slovaque à Paris.

Une vue de la section gravure (Cl. Gérard Robin)

Ainsi étaient accrochés aux cimaises, en taille d’épargne (xylogravure et linogravure) : Sylvie Abélanet, Hélène Baumel, Jean Lodge, Jana Lottenburger (prix Jeune Gravure 2018, donc disposant d’un espace personnel), Pauleen K., Jean-Michel Uyttersprot et Suo yuan Wang ;
en taille-douce à l’outil, burin et pointe sèche : Akira Abe, Claude Abeille, Maria Chillón, Claude-Jean Darmon, Sophie Domont, Ximena De Leon Lucero, Bernard Minguet, Jeanne Rebillaut-Clauteaux et REM ; en mezzotinte : Guy Braun, Igor Benca, Robert Brun, Michèle Joffrion, Manuel Jumeau et Akemi Noguchi ; en taille-douce au mordant, eau-forte au trait et aquatinte : Yvonne Alexieff, Consuelo Barbosa, Devorah Boxer, Jean-Claude Caffin, Julie Camus, Francis Capdeboscq, Angelica Caporaso, Carlos Lopez (Juan de Nubes), Josep M. Congost, Isabelle de Font-Réaulx, Christine Gendre-Bergère, Cécile Gissot, Vitalii Gubarev, Gilbert Houbre, Jacques Houplain, Mikjail Kocheshkov, Kayoko Konomi, Peter Klúčik, Véronique Laurent-Denieuil, Arnaud Laval, Corinne Lepeytre, Brigitte Pazot, Albert Pema, Sabine Salgues, Shirley Sharoff, Solberg, Ève Stein, Kamila Štanclová, Mégumi Terao, Fabrice Thomasseau, Katarína Vavrová, Tomáš Žemla ; en techniques mixtes et spécifiques : Marco S. Bertino, Shu-lin Chen, Sabine Delahaut, Karol Felix, Robert Jančovič, Akané Kirimura, Marián Komáček, Isabelle Panaud, Marie-Noëlle Rohozinska, Shohei Uchida, Zafet Zec.

Une autre vue de la section (Cl. Gérard Robin)

Agrémentée de sympathiques sculptures, c’est une belle présentation linéaire avec peut-être un bémol d’avoir laissé se réunir en un même espace, – plutôt que les intégrer dans l’ensemble – les artistes slovaques dont les expressions esthétiques sont parfois assez proches. Une présence groupée propre à perturber localement une certaine harmonie d’accrochage. La remarque n’enlève cependant rien à l’impression générale de la section, alliant à la fois qualité et sobriété.
On pourrait aussi regretter l’éloignement, dans l’autre pavillon, de la section livres d’artistes, présidée par Michel Boucaut, où la gravure est aussi présente. Mais, cela relèverait des espaces à disposition et des contingences de la présentation ! Dernière remarque ou suggestion : lors d’un vernissage où les visiteurs sont des plus divers – et d’une manière générale dans un salon généraliste de cette ampleur – la méconnaissance de la gravure est confondante. Certains des visiteurs voient du dessin ou des encres, d’autres de la photographie et rares sont ceux qui savent vraiment que l’estampe naît d’une planche de métal ou d’un autre matériau. Je pose donc la question : ne serait-il pas opportun de présenter une petite presse avec une matrice en place et le papier relevé au long des langes permettant de découvrir l’estampe correspondante. Ce serait du plus bel effet et générerait, me semble-t-il, un autre regard et un intérêt plus prononcé. Mais cela est-il possible ?

Une autre vue de la section gravure (Cl. Gérard Robin)

La section Gravure s’est aussi honorée, en salle de conférence, de la projection du film de la série Impressions fortes : “L’Académie des Sciences et des Beaux-Arts”, (sur une eau-forte de Sébastien Leclerc dédiée à Louis XIV), conçu par Bertrand Renaudineau et Gérard Emmanuel da Silva, et qui fut présenté en duo par le premier et Maxime Préaud ; puis, précédant le brillant concert de piano de Nima Sarkechik, de la conférence de Claude-Jean Darmon : “Les eaux-fortes méconnues de Dürer à l’aune de ses burins”.

Pour terminer, signalons l’attribution de plusieurs prix. En section gravure : le Prix Taylor à Shuei Uchida, et celui des Amis du Salon d’automne récompensant les graveur(e)s Julie Camus (avec entre autres une eau-forte à l’ancienne, “Bataille”, étonnante et superbe, qui a requis près de six mois de travail) et Marco S. Bertino ; en section livres d’artistes : celui de l’ADAGP pour Corinne Mariotte et celui des Amis du Salon d’automne pour Alain Bar.

Gérard Robin

Rencontre avec la science et l’art

Musée Bernard d’Agesci
26 avenue de Limoges
79000 Niort
Fête de la science : du 5 au 13 octobre 2019
François Verdier : du 1 octobre au 3 novembre 2019

Première originale au Musée Bernard d’Agesci de Niort qui, pour l’ouverture de la Fête de la science, a fait appel à l’art, accueillant à la fois une conférence sur l’estampe, complétée de séances d’impression taille-douce, et organisé une exposition sur un artiste graveur notoire de la ville et professeur de gravure : François Verdier [1945-2014]. Une belle manifestation, dans le cadre lumineux du grand hall du musée, où la façade est une immense baie vitrée semée dans sa partie supérieure de petits carrés verts, symboles des lentilles d’eau du marais poitevin proche. Ajoutons à cela les présences d’un bronze central du XVIIe siècle, dit “Apollon du Belvédère” (d’après l’Antique), attribué à Hubert Le Sueur [c.1580-c.1658], et deux beaux plâtres du XIXe siècle, d’un sculpteur local, Baptiste Baujault [1828-1899], et l’on est déjà sous le charme d’un lieu de rencontre exceptionnel.

Façade du musée (Cl. Gérard Robin)

L’exposition “estampière”, en symbiose avec la science et, pour le présent, l’ornithologie, est illustrée de spécimens sur le thème de la collection d’Histoire naturelle du musée. On est confondu par le talent de l’artiste François Verdier, tant sur les œuvres oiselières en cimaises, inscrites dans le papier, que dans la vision des tailles qui animent dans la lumière les planches de cuivre présentes. S’y ajoute, sous le regard de l’Apollon, une presse taille-douce, voisinant avec un présentoir d’outils et de produits de la chimie des diverses “manières”. De quoi déjà répondre à nombre d’interrogations des visiteurs !

Le vernissage se fit autour de l’épouse de l’artiste, Marie-Hélène Verdier, et en présence de personnalités locales : Élisabeth Maillard, vice-présidente de l’Agglomération du Niortais, en charge de la culture et du patrimoine historique ; Laurence Lamy, conservatrice en chef du patrimoine et directrice du musée, âme de la manifestation ; Stéphanie Auger-Bourdezeau, attachée de conservation des collections, et Rémy et Michèle Joffrion, anciens élèves du maître. Des instants chargés d’émotion, où la figure emblématique locale de François Verdier fut évoquée, en partie dans son art, éclatant dans les œuvres présentes, mais surtout dans son action pédagogique, car il fut professeur de dessin et de gravure à l’École municipale d’arts plastiques de Niort, et forma des graveur(e)s dont plusieurs sont devenu(e)s de belles signatures de l’estampe. Un être de caractère qui fut marqué par la rencontre en 1977 d’un peintre-graveur lyonnais, Marc de Michelis, prix de Rome de gravure [1966], qui le sensibilisera au dessin et l’initiera à l’eau-forte et à la pointe sèche ; puis par celle en 1984 d’Albert Decaris [1901-1988], Premier prix de Rome de gravure [1919], qui le confortera dans l’usage du burin.

Le grand hall avec la presse (Cl. Gérard Robin)

Son œuvre est considérable : plus de 1000 gravures ! Dont le catalogue raisonné serait en cours, attendu dans l’impatience que l’on devine.
Je pourrais y ajouter, concernant son enseignement, le témoignage d’anciens élèves, qui en ont gardé le souvenir vivant : « François Verdier accompagnera longtemps encore ses très nombreux élèves, comme une vigie, une référence, un engagement. Chacune de leurs gravures sera dorénavant prétexte à le questionner… de loin ! “Ai-je gravé l’essentiel, une idée-force s’impose-t-elle ?”. Ses sourires, ses silences, ses agacements, ses encouragements, ses piques pertinentes et traits d ‘humour habiteront toujours nos inquiétudes sur la matrice, souvenir de cette émulation joyeuse “au cul de la presse”, où les échecs révélés étaient toujours une promesse de réussite… François Verdier, une exception ! ».

« La bécasse aux épagneuls » François Verdier (Cl. Gérard Robin)

Que dire de plus ! Le vernissage de l’exposition porta la marque de son souvenir. Une impression forte ! Plusieurs de ses élèves, que l’on rencontre souvent dans les salons, étaient présents, de même que Cédric Neau, actuel professeur de gravure à l’école d’arts plastiques de Niort, qui anime un atelier d’une vingtaine de graveurs, répartis en deux sections, sachant qu’il y a aussi une liste d’attente pour une troisième… Tout ceci pour montrer la vitalité de l’estampe en région niortaise.
Et la manifestation de se poursuivre les lendemain et surlendemain, sous les yeux des visiteurs de l’exposition, par des démonstrations d’impression taille-douce qui ajouteront la dynamique du savoir-faire des acteurs, Michèle et Rémy Joffrion. Initiative notable, convier la responsable des collections, Stéphanie, à revêtir le tablier des imprimeurs, – une première pour elle -, et, sous la conduite conjointe des intervenants, expérimenter les diverses phases d’une impression : de l’encrage au paumage jusqu’à la phase finale du passage sous presse.

Une action totale et spectaculaire, riche d’enseignements… De quoi bouleverser chez beaucoup la perception de l’art de l’estampe, – en sus des explications techniques des deux intervenants sur les différentes formes de gravure -, et cela tant pour l’officiante que pour le public présent (adultes et enfants). Et Rem d’ajouter : « Nous remercions Stéphanie de s’être prêtée à l’expérience, s’y impliquant volontiers et totalement, jusqu’à sentir le geste qui va conduire à la naissance de l’estampe ; son intervention fut géniale vis-à-vis du public, qui a pu ainsi vivre une véritable leçon d’impression, propre à lui faire appréhender la technicité de cette étape incontournable : le transfert de l’encre de la matrice à l’estampe ». Au final, une belle initiative des artistes niortais, soutenue, il faut le dire, par les instances du Musée Bernard d’Agesci.

Gérard Robin