Au fil de l’encre

Sixième triennale de gravure
Association animation culturel de Couzeix
10 au 25 novembre 2018
Centre culturel de Couzeix (87720)

L’affiche de l’exposition

Sous ce titre : « Au fil de l’encre », a eu lieu à Couzeix, en Limousin,  une importante exposition consacrée aux soixante-dix années d’activité des Ateliers Moret.  Elle a illustré avec bonheur le rôle important du taille-doucier dans la chaîne des métiers dont use l’artiste pour réaliser son estampe. Dans la grande salle du centre culturel de Couzeix, une présentation aérée a offert aux visiteurs un vaste éventail de la diversité d’inspirations, de manières et de techniques que permet l’art de l’estampe. Elle a aussi démontré la qualité des tirages réalisés dont l’impression sait se plier aux desiderata, parfois très compliqués, de l’artiste graveur.

Une vue de l’exposition

Cerise sur le gâteau, l’Association animation culturelle de Couzeix a commandé pour cet événement une vidéo parfaitement réalisée qui explique dans le détail, souvent avec la truculence de Daniel Moret ou la réserve de Didier Manonviller, le métier de taille-doucier tel qu’il a été pratiqué dans cet atelier parisien pendant ces nombreuses années. Métier qui se poursuit aujourd’hui avec une jeune génération d’artisans passionnés qui prennent tour à tour la parole dans cette vidéo à visionner ci-dessous.

La video « Au fil de l’encre »

Claude Bureau

 

Entre arcs et accents… en mouvement

Galerie Fea-art
1 place du monument aux morts
30700 Saint-Quentin-la-Poterie
tous les jours de 10h30 à 12h30 et de 14h30 à 18h
fermé du 21 au 29 novembre 2018
site : https://www.facebook.com/feaartateliergalerie/

Artiste plasticienne aux talents multiples, Françoise Escale-Agnan dite « FEA », expose ses œuvres au sein d’un tout nouveau lieu original à Saint-Quentin-La-Poterie, pittoresque village gardois, repaire de céramistes. Dès l’entrée de cette haute maison ancienne, l’espace est consacré à l’estampe ; on y découvre des eaux-fortes, imprimées en couleurs, desquelles une remarquable énergie émane. Gravissant les escaliers, on découvre avec plaisir, un exemplaire d’une estampe réalisée à Madrid : « Vague à l’âme ».

« Vague à l’âme » (Cl. Anne Paulus)

Le superbe espace supérieur, baigné de lumière, offre au visiteur un dialogue fécond entre de grandes huiles sur bois de l’artiste et ses dernières gravures ; cette double série éclatante danse entre arcs et accents.

Premier étage de la galerie (Cl. Anne Paulus)

La visite de la galerie se poursuit à la cave. Ce lieu est investi par de grandes et majestueuses sculptures mobiles en porcelaine dont les ombres circulaires flottantes trouvent un bel écho dans le profond puits originel abrité sous la maison…

Les arcs de la cave (Cl. Anne Paulus)

Ce ballet d’arcs projetés nous guide vers le dernier ensemble de sculptures. L’artiste, jouant à l’extrême de la finesse de la porcelaine, crée des ponts étonnants entre la sculpture et le papier dans de spectaculaires pièces figurant le mouvement de feuilles de papier. La galerie Fea abrite une oeuvre polymorphe et cohérente dont le fil rouge est le mouvement. « Pour moi le mouvement c’est la vie. En tout cas, c’est la mienne ! » reconnaît Françoise Escale-Agnan dans un grand geste embrassant l’espace…

Anne Paulus

Mise en lumière du clair-obscur.

« La gravure en clair-obscur – Cranach, Raphaël, Rubens,… »
18 octobre 2018 – 14 janvier 2019
Le Louvre – Rotonde Sully
99, rue de Rivoli
75001 Paris

Voici un voyage dans le passé de l’estampe, en ces premiers temps de la Renaissance où la gravure s’exprimait par le trait, – celui essentiellement de la taille d’épargne xylographique -, et essayait d’échapper à une représentation visuelle graphique et plate. Certes, la couleur, permettant de différencier les divers éléments de l’image, existait déjà. Elle était ajoutée manuellement par coloriage après impression. Une autre mise en couleur, celle de la gravure dite « en clair-obscur », est l’objet, à la Rotonde Sully du Musée du Louvre, d’une superbe exposition réunie par la commissaire Séverine Lepape, à partir principalement des collections Edmond de Rothschild du musée, du département des estampes de la Bibliothèque nationale de France et de la Fondation Custodia. Près de 135 estampes illustrent la pratique de cette esthétique innovante qui fleurit en Europe des XVIe et XVIIe siècles et qui vise à rompre avec la rigueur du trait ou du dessin et transposé après gravure et encrage sur le papier, qu’il soit blanc ou teinté.

Domenico Beccafumi – « Apôtre saint Philippe » (BnF)
Gravures sur bois XVIe s.

à gauche : 3 pl. de teinte grise et noire – à droite : 3 pl. de teinte rouge et noire

Son principe est d’utiliser une matrice portant la gravure du tracé principal de la composition et les hachures éventuelles nécessaires au rendu – c’est la planche dite « de trait », essentiellement en bois (taille d’épargne ou même, plus tardivement, taille-douce sur métal) -, et d’imprimer en superpositions successives une ou plusieurs matrices en bois portant chacune une couleur, – les planches dites « de teinte » -, en allant comme il se doit du plus clair au plus foncé. Dite « chiaroscuro » en Italie et en Angleterre, la gravure en clair-obscur sera souvent appelée ailleurs, dans les pays du Nord (Allemagne, France, Pays-Bas), « camaïeu ». Cette « manière » vise alors à apporter dans l’image du modelé, – tel un apport de lavis -, en jouant sur le rapport des ombres et des lumières, donc de la profondeur et du relief, ou parfois ajoutant une impression d’icône avec des ajouts d’argent ou d’or.

Une vue de l’exposition (Cl.Gérard Robin)

Les œuvres présentées ici sont éloquentes du procédé et de grande qualité.
Des panneaux explicatifs les accompagnent, pour évoquer la chronologie de son usage (de l’Allemagne à l’Italie, puis à la France et aux Pays-Bas) et mettre l’accent sur quelques grands maîtres concernés, peintres, dessinateurs et graveurs. À cela s’ajoutent les cartels accompagnant les œuvres, porteurs de la technique et d’une notice sur l’artiste ou l’estampe. La visite est un véritable parcours de plaisirs, dans des espaces amples et agréables, sous une lumière non agressive, qui respecte les conditions d’éclairage requises pour des œuvres anciennes, donc fragiles. Au final, une véritable révélation sur cet art que l’histoire évoquait peu jusqu’ici dans sa globalité.

Une autre vue de l’exposition (Cl. Gérard Robin)

On y trouve même des explications et des échantillons sur les encres fabriquées spécialement pour cette « manière » : noires, grises ou colorées.
Avec deux apports complémentaires : celui d’une présentation didactique des différentes étapes de la réalisation de la taille d’épargne en couleurs, avec planche de trait et planches de teinte, d’une « Vanité », créée par Maxime Préaud, conservateur général honoraire au département des estampes de la BnF ; et celui de la projection d’un film documentaire, où le spécialiste de l’estampe ancienne avait été conseil : le « Diogène » de Ugo da Carpi, réalisé par Bertrand Renaudineau et Gérard-Emmanuel da Silva.

En parallèle à l’évocation de la gravure en clair-obscur, un autre espace intitulé « Techniques et gestes » permet de renforcer ses connaissances sur l’art pictural sur papier, dessin, pastel, miniature et, bien sûr, l’estampe. Sans oublier la fabrication de la forme à papier, génératrice des filigranes indicateurs d’origine (type, moulin). C’est, là encore, un ensemble passionnant, même pour un visiteur familier de ses domaines.

Un regret suite à cette évocation : cette importante manifestation semble, à ma connaissance, avoir été peu, – trop peu -, médiatisée, et c’est bien dommage ! Elle est remarquable et mérite absolument la visite.

Gérard Robin