Vu et lu… pour vous https://www.vuetlu.manifestampe.net Magazine d'informations sur l'estampe dans tous ses états Mon, 07 Jul 2025 07:27:28 +0000 fr-FR hourly 1 https://www.vuetlu.manifestampe.net/wp-content/uploads/2021/01/cropped-favicon-512x512-1-32x32.jpg Vu et lu… pour vous https://www.vuetlu.manifestampe.net 32 32 Les Vedute de J3M https://www.vuetlu.manifestampe.net/les-vedute-de-j3m/ Tue, 01 Jul 2025 17:23:53 +0000 https://www.vuetlu.manifestampe.net/?p=4226 La naissance d’un catalogue raisonné est un événement majeur pour un artiste, car témoignage, pour lui-même et bien sûr les archéologues du futur, de son travail créatif, dans sa plénitude et sa richesse, dans sa chronologie et son évolution, pour son immortalité même, mais surtout, à mon sens, pour le chercheur d’art que chacun peut … ]]>

La naissance d’un catalogue raisonné est un événement majeur pour un artiste, car témoignage, pour lui-même et bien sûr les archéologues du futur, de son travail créatif, dans sa plénitude et sa richesse, dans sa chronologie et son évolution, pour son immortalité même, mais surtout, à mon sens, pour le chercheur d’art que chacun peut être, dans la découverte et la compréhension d’une démarche artistique. C’est essentiel !

Il s’agit ici de « Vedute », de Jean-Michel Mathieux-Marie, que certains appellent J3M. Précisons que Jean-Michel, diplômé en 1972 de l’École nationale supérieure des Beaux-arts de Paris – section architecture -, s’est initié à la gravure auprès Jean Delpech (1916-1988), premier grand prix de Rome de taille-douce (1948), et a été boursier de la Ville de Paris à la Casa Velasquez de Madrid en 1983. Un parcours créatif fertile en estampes originales et illustrations de bibliophilie, une présence marquante en expositions personnelles et collectives, ponctuée de prix prestigieux, le conduisant aujourd’hui à être président d’honneur de « Pointe & Burin », association qu’il dirigea de 2010 à 2021, membre du Comité de la « Fondation Taylor » et membre des « Peintres-graveurs français ».

« Les flocons » Pointe sèche sur acier (1990) 7,8 x 12 cm (Cl Clairis)

Je me garderai d’évoquer précisément le travail de ce graveur d’excellence, devenu le maître pointe-sèchiste de la « veduta ». D’autres l’ont fait, avec brillance. La bibliographie jointe l’atteste.

Ainsi Maxime Préaud, conservateur général honoraire chargé de la réserve du département des estampes de la Bibliothèque nationale de France, qui avait défini en 2016 l’artiste comme « hélicoïdal », dans un texte d’ailleurs présent en préface et évoquant sa personnalité et son parcours.

« Exit ou le grand départ » (2013) Clair-obscur à la pointe sèche sur rhénalon Imprimé sur papier rosâtre 30,7 x 22,7 cm (Cl Clairis)

Ainsi le regretté Claude Bouret (1940-2021), conservateur en chef honoraire au département des estampes et de la photographie à la BnF, professeur d’histoire de la gravure à l’École du Louvre, président-fondateur de la revue de bibliophilie « Le Bois gravé », et co-fondateur de l’association « La Taille et le Crayon » ; il avait ainsi évoqué Jean-Michel et sa manière, pour un catalogue en 2008 : « Dans l’art de Mathieux-Marie se croisent et se renforcent l’humilité du praticien et la grandeur du visionnaire. Avec un admirable acharnement, il se dévoue tout entier à son métier et met tout son savoir au service de son inspiration. »

Fidèle lecteur de « Art & Métiers du Livre », et pour bien définir J3M en quelques mots, je ferais référence au prologue d’un bel article rédigé par Laurence Paton dans le numéro 359 (novembre-décembre 2023) de la dite revue : « Jean-Michel Mathieux-Marie est un virtuose érudit et lyrique de la gravure, inlassable inventeur de nouveaux procédés. À partir de la quête et de l’expression de la lumière, il a créé un œuvre riche, complexe et insolite, tant par sa facture que par les sujets traités. »

« L’usine à gaz » Pointe sèche et tireté sec en trichromie sur rhénalon (2019) 23,4 x 27,4 cm (Cl. Catalogue)

L’article est à lire, bien sûr, mais le catalogue raisonné est là pour faire découvrir ses pointes-sèches, dans un ouvrage de 160 pages, joliment mis en page par Isabelle Panaud : il présente 178 planches d’architecture gravées, réelles ou inventées, accompagnées de 45 planches d’état et 12 dessins préliminaires.

Précisons qu’il s’agit là du premier tome d’un catalogue raisonné général présentant la totalité de son œuvre gravé. Ce qui est indicatif de l’ampleur de son travail créatif.

Cela dit, parcourir ce catalogue, est aussi pour le lecteur un voyage extraordinaire, au fil de « vedute » inspirées, gravées sur acier (une seule sur cuivre) ou sur des matériaux novateurs comme le plexiglas ou le rhénalon. Nous voici transportés de Paris, avec la Seine et ses quais, à Venise et Rome, dans une découverte magnifiée par le jeu des lumières et l’atmosphère de leur état chromatique de l’instant, par des traductions en clair-obscur ; ou nous voilà plongés dans des évocations réalistes, parfois même dystopiques, mais grandioses, générées par le passé d’architecte de l’auteur. Au final, au cours de l’impression, certains papiers ou japon appliqués y ajoutent leur propre dominante lumineuse.

Des images de teinte, où la pointe-sèche se métamorphose invariablement en un pinceau sensible qui transmute chaque vision en un véritable tableau, esthétique et inspiré.

« L’Élaircie » Pointe sèche sur acier (2000) 16,9 x 28,6 cm (Cl Clairis)

J’ajouterai que les annotations et commentaires des « vedute » sont de Jean-Michel. Car sa pointe sait aussi se faire plume. Témoin, cet autre écrit de l’artiste, intitulé « L’Entaille et l’Idée », la réunion, – dans une édition originale ornée de belles lettrines -, de onze petits textes, réflexions singulières et personnelles sur cet art et sa pratique. Une fenêtre ouverte sur sa sensibilité créative, donnant des clés pour la découverte picturale du catalogue raisonné. Un livre d’artiste qui avait été annoncé dans un article de « Vu & Lu,… pour vous », en mai 2019.

En conclusion, un ouvrage qui devrait trouver sa place dans toute bibliothèque d’amateur d’art ou d’artiste, en attendant le suivant…

Clairis

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Les fenêtres qui parlent… https://www.vuetlu.manifestampe.net/les-fenetres-qui-parlent/ Tue, 10 Jun 2025 18:19:37 +0000 https://www.vuetlu.manifestampe.net/?p=4209 Gravures de Shevek aux fenêtres (Cl. Manon Guy Rechimbeaud) Du 27 avril au 1er juin 2025, une exposition d’art imprimé visible à tout moment depuis l’espace public a investi les fenêtres, les vitrines de boutiques inoccupées et les murs. Cosne-sur-Loire et Châteauneuf-val-de-Bargis ont accueillis sur leurs murs et leurs fenêtres les œuvres originales de nombreux … ]]>

Gravures de Shevek aux fenêtres (Cl. Manon Guy Rechimbeaud)

Du 27 avril au 1er juin 2025, une exposition d’art imprimé visible à tout moment depuis l’espace public a investi les fenêtres, les vitrines de boutiques inoccupées et les murs. Cosne-sur-Loire et Châteauneuf-val-de-Bargis ont accueillis sur leurs murs et leurs fenêtres les œuvres originales de nombreux artistes amateur et professionnels. Cette première est due à l’engagement et la détermination de deux associations castelneuviennes : Silex Ink et l’Attribut qui ont organisé avec brio « Les fenêtres qui parlent pendant la fête de l’estampe ». Elles ont également invité les habitants de ces deux communes à participer à cet événement en prêtant leurs fenêtres et leurs murs ou en créant des images lors d’ateliers ouverts à tous.

Nous avons donc pu découvrir avec grand plaisir l’art imprimé sous toutes ses formes en nous promenant dans les rues de nos communes. Des rencontres avec les artistes, deux visites guidées nous ont permis de profiter pleinement des installations et de découvrir les démarches des différents artistes. Les ateliers ouverts à tous nous ont également permis d’approcher avec émotion le processus de création, et les enfants de l’école de Châteauneuf n’ont pas été peu fiers de voir leurs œuvres collées sur les murs du village.

Ce musée à ciel ouvert a été ressenti comme une chance par les nombreux habitants qui n’ont pas hésités à s’y impliquer. Merci à tous, artistes, associations, publics pour votre investissement et pour la confiance donnée à notre ruralité quant à sa capacité à accueillir et à participer à un évènement artistique, culturel et festif de cette qualité.

Cora Texier devant sa vitrine pendant la visite guidée du vernissage
(Cl. Xavier Orssaud)

Visite de l’exposition aux fenêtres de Cosne-sur-Loire

Au-dessus de l’auto-école, nous pouvons voir des monotypes de Régina Blaim, représentant le portrait de trois personnages historiques de la ville. Quelques pas plus loin, des sérigraphies de Chrysav, puis, en tournant dans une petite rue, un magnifique diptyque en bois gravé de Marie-Clémentine Marès tout en hauteur, partageant l’univers de « la cabane de son fiston ».

Dans cette même ruelle, deux vitrines de boutiques inoccupées sont investies par des artistes invités : Patrick Pinon a recouvert les vitres d’une ancienne assurance de ses linogravures sur papier de soie colorés, invitant les passants à écouter « Le silence des oiseaux ». Puis, dans l’ancienne boutique de vêtements de l’angle de la rue, nous découvrons la vitrine de l’artiste québécoise Cassandre Boucher : une installation mêlant art imprimé et art textile.

En continuant son chemin, nous découvrons une gravure taille-douce de Jean-Marie Marrandin, puis des pochoirs très colorés de Corinne Scapin inspirés d’un pop-up réalisé par l’artiste il y a quelques années. À côté, les pochoirs d’Anne Penciolelli rappellent les recherches du design textile et des arts décoratifs : un travail de recherche de superposition de formes et de couleurs imprimé en motif sur du papier de boucher.

Quelques pas plus loin, aux fenêtres de l’étage de l’agence Orpi, les gravures sur bois d’Anita Ljung occupent toutes les vitres de ces impressions colorées.

En retournant vers le centre-ville, apparaissent quelques éléments du fonds d’archives de l’imprimerie Bourra, ancienne imprimerie du journal local « le Régional du Centre » qui partage pour l’occasion quelques caractères typographiques en bois, ainsi que les matrices d’une affiche datant de 1959 pour la promotion de l’aérodrome de Cosne.

En entrant dans la rue du Commerce, nous découvrons dans un premier temps les monotypes réalisés par les élèves de l’école de Donzy, avant de se laisser envahir par la délicatesse de la troisième vitrine occupée, cette fois-ci par l’artiste Cora Texier : une installation mêlant lithographie, céramique et éléments naturels récoltés au fil de ses promenades.

En continuant notre marche dans les rues de la ville, nous découvrons les sérigraphies de Violaine Fayolle : des oiseaux semi-imaginaire cherchant à regarder les passants à travers leurs fenêtres, puis des lithographies de Caroline Polikar et de O’d, des gravures taille-douce de Sophie Leloup, de Shevek et de Louise Gros accompagnées d’un texte de Lorette A. et des restitutions d’ateliers.

Patrick Pinon colle ses linogravures sur les murs du village
(Cl. Louise Gros)

Visite de l’exposition sur les murs de Châteauneuf-Val de Bargis

Les murs se sont transformés en musée pour la fête de l’estampe : des abeilles sont apparues sur le silo à grain, sur les murs de la bibliothèque et sur les portes du couple d’apiculteurs du village. Des baleines nagent sur le puits au milieu du parc et sur les murs de l’école. Des oiseaux volent et observent leurs proies sur les murs du salon de coiffure, de la boulangerie et dans la rue des Dames.

Les linogravures de Patrick Pinon, composées en fresque jouant sur la répétition des impressions et les couleurs des papiers, allient images et écritures sur les murs prêtés par la mairie et les habitants.

Sur les murs de la boulangerie, une linogravure de l’artiste côtoie celles des élèves de l’école de Châteauneuf-Val de Bargis. Lors d’un atelier destiné à s’approprier la démarche de Patrick Pinon, chaque élève a réalisé et imprimé une gravure, faisant collectivement un inventaire des oiseaux de la Nièvre en gravure sur bois.

Un autre atelier, ouvert à toutes et tous, a permis aux habitants de Châteauneuf et des alentours de créer des linogravures auprès de Patrick Pinon.

Lors de la visite guidée des collages, les gravures de l’atelier ont été encollées par l’artiste sur les murs du Petit Castel, la supérette au centre du village.

Maria Legrand

 

 

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Estampe : art ou métier ? https://www.vuetlu.manifestampe.net/estampe-art-ou-metier/ Sat, 10 May 2025 16:51:23 +0000 https://www.vuetlu.manifestampe.net/?p=4198 Il est un travers bien français : la manie réglementaire administrative d’État. Une chose n’existe que si on l’a réglementairement nommée. La chose devient alors certaine. Quant à l’innommée, elle reste dans les limbes de l’inexistence. Ce travers d’antiques origines perdure aujourd’hui. La Fête de l’estampe célèbre l’anniversaire de l’arrêt dit « de Saint-Jean-de-Luz », rendu en … ]]>

Il est un travers bien français : la manie réglementaire administrative d’État. Une chose n’existe que si on l’a réglementairement nommée. La chose devient alors certaine. Quant à l’innommée, elle reste dans les limbes de l’inexistence. Ce travers d’antiques origines perdure aujourd’hui. La Fête de l’estampe célèbre l’anniversaire de l’arrêt dit « de Saint-Jean-de-Luz », rendu en Conseil d’État le 26 mai 1660 grâce au mémoire introduit par Nanteuil. Cet arrêt a fait échapper1 l’estampe et ceux qui la pratiquent à l’emprise des corporations de métiers. Par cet arrêt, le Roy déclarait maintenir tous ceux qui font profession de l’art de la gravure « en la liberté qu’ils ont toujours eue de l’exercer dans le Royaume, sans qu’ils puissent être réduits en Maîtrise ni corps de métier, ni sujets à autre règle ni contrôle. » N’étant par cet arrêt ni ici ni là; ni dans les Beaux-Arts, monopole des Académies, ni dans les métiers, monopole des corporations, l’estampe pouvaient donc jouir d’un bel espace de liberté. Toutefois, l’estampe entrait ainsi dans la convoitise de ces deux puissances : les Beaux-Arts ou les métiers dont on avait ignoré les monopoles. Elles allaient alors se disputer leur souveraineté sur cette belle innommée qui avait esquivé de peu la nomenclature de l’État.

Une des planches « gravure » de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert
(Cl. BnF-Gallica)

Jusqu’à il y a peu, l’estampe avec constance a balancé entre ces deux pôles : le métier ou l’art. Oscillations d’autant plus faciles à entretenir que, par sa nature même, l’estampe est née de l’un et de l’autre. Suivant l’époque et les individualités qui la pratiquaient, l’un ou l’autre prenait la prééminence pour ensuite la perdre quelques générations après. Maintenant que l’estampe n’a plus économiquement et socialement à remplir la fonction utilitaire qui la rattachait le plus profondément au métier : la reproduction et la diffusion des images en grand nombre, le penchant artistique l’a emporté haut la main. Néanmoins, l’estampe conserve encore un lien très étroit avec le métier. En effet, art créatif d’images2, l’estampe fonde sa matière expressive et artistique dans les différents procédés en usage pour reproduire des images à un moment ou à un autre : de la xylographie à l’impression numérique en passant par la taille-douce ou la sérigraphie, etc. Cette matière expressive est la substance même de l’image créée et reproduite. Or, chacun de ces procédés exige un métier, un « tour de main ». Même si les plus contemporaines de ces techniques rendent le « tour de main » moins manuel et plus virtuel, le métier demeure.

La pratique de l’estampe, devenue art à part entière et seulement cela, pousse son créateur ― l’artiste ― à se colleter lui-même avec le ou les procédés de reproduction choisis, à en explorer ou à en combiner toutes les possibilités expressives avec plus ou moins de bonheur. Bref, à inventer sans cesse, en les transgressant parfois expérimentalement, les canons du « beau métier ». Souvent cette évolution le conduit aussi à imprimer lui-même ses estampes, non seulement pour des motifs d’économie faciles à comprendre mais aussi pour mieux maîtriser, au plus près de la matrice, sa matière expressive et ses choix artistiques et ainsi mieux exprimer sa manière originale.

« Atelier de plein air » – William Blair Bruce
Huile sur toile – 73 x 92 cm
The National Museum of Fine Arts – Stockholm.

En revanche, tous ceux qui tiennent leur existence au métier de l’estampe exclusivement, comme notamment les imprimeurs ― en taille-douce, en lithographie, en sérigraphie, en héliogravure ou en typographie ― ont vu dans le même temps leur rôle et leur rentabilité économique se réduire. Ce phénomène a été aussi aggravé par la raréfaction des éditeurs d’estampes et de leurs commandes de tirages. Immanquablement la diminution du nombre d’éditions a entraîné la diminution du nombre d’imprimeurs d’estampes. Le fait qu’ils figurent encore en bonne place dans la nomenclature officielle des métiers d’art ne saurait à lui seul garantir leur survie contre le déclin. Car nommer la chose ne préserve en rien son existence. Leur disparition causerait à l’art de l’estampe un tort considérable et à la réglementation française seulement un petit erratum dans l’abondant maquis du corpus réglementaire. Les artistes, créateurs d’images, qui trouvent souvent fastidieux de faire de longs tirages à partir de leurs matrices, les éditeurs encore trop peu nombreux et les amateurs n’auraient plus alors la possibilité de faire appel à un métier dont la légitimité se fonde sur la reproduction fidèle, constante et de qualité d’une matrice produite par un autre. Ce serait alors dommage et pour le métier et pour l’art.

Claude Bureau

1Treize ans plus tard Jean-Baptiste Colbert régentera tous les métiers du royaume dans l’édit du 13 mars 1673 sans que soit abrogé l’arrêt de Saint-Jean-de-Luz.
2Qu’il ne faudrait pas confondre avec un loisir créatif qui ne va pas souvent au-delà d’une initiation scolaire aux procédés du métier, aussi louable soit-elle.

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« URBS » https://www.vuetlu.manifestampe.net/urbs/ Sat, 03 May 2025 09:35:09 +0000 https://www.vuetlu.manifestampe.net/?p=4179 La galerie, côté est (Cl. C. Allard) Exposition « URBS » Paysages urbains Chantiers, réseaux routiers et chemins de fer 29 avril au 14 juin 2025 Librairie & Galerie Saint-Michel 17 quai Saint-Michel, Paris Ve « URBS », tel est le titre générique de l’exposition que présente la Librairie & Galerie Saint-Michel, sur le quai du même nom, … ]]>

La galerie, côté est (Cl. C. Allard)

Exposition « URBS »
Paysages urbains
Chantiers, réseaux routiers et chemins de fer
29 avril au 14 juin 2025
Librairie & Galerie Saint-Michel
17 quai Saint-Michel, Paris Ve

« URBS », tel est le titre générique de l’exposition que présente la Librairie & Galerie Saint-Michel, sur le quai du même nom, quasiment en face de Notre-Dame. Comme tout le monde ne sait pas que le mot d’urbs, en latin, a pour sens usuel la ville1, Constance Allard a jugé bon de préciser en sous-titre que les estampes qu’elle a rassemblées sur les murs de son relativement petit espace chaleureux sont des « Paysages urbains / Chantiers, réseaux routiers et chemins de fer ». J’ai souvent pensé qu’une des différences entre la photographie et l’estampe est que la première conserve la mémoire de la laideur tandis que la seconde la magnifie, par cette espèce de transsubstantiation dont l’art est seul capable.

Il est vrai aussi que les cinq artistes réunis par Constance Allard (soit, par ordre alphabétique, Sergio Birga †, Caroline Bouyer, Anne Charagnac, Frédéric Chaume et Corinne Lepeytre) trouvent des beautés aux chantiers de démolition ou de construction, aux infrastructures d’autoroutes, aux lampadaires, aux câbles électriques, aux rails, aux grues et aux pelleteuses qu’exècrent pour différentes raisons ceux qui sont contraints de les fréquenter visuellement et acoustiquement dans la réalité quotidienne.

Côté Birga, avec l’image de Chronos en couleurs (Cl. C. Allard)

Chez Birga, qui montre en linogravure la destruction des halles de Baltard, qu’il a pu observer lui-même à la différence de ses camarades de cimaise plus jeunes, il y a une dimension politique, et un sentiment nostalgique qui n’affecte que les petits vieux qui ont connu ce triste moment et qui s’interrogent sur l’acharnement des édiles à enlaidir les espaces dont ils ont la charge. Fort heureusement la fragilité des choses et des bâtisses récentes leur laisse un peu d’espoir.

La galerie, côté ouest (Cl. C. Allard)

Les jeunes émules du Florentin ont semble-t-il des ambitions différentes, comme de rendre compte d’un moment qui n’en finit pas, d’un provisoire qui dure. Aussi leur faut-il des points de vue plus larges et utiliser des techniques plus complexes, qu’il et elles maîtrisent parfaitement. Carborundum, aquatintes diverses, grattages, astuces d’encrage, rien ne leur échappe, le tout étant accompagné ou précédé d’une bonne exploitation de l’outil photographique et d’une grande qualité de dessin.

Autre vue de la galerie, côté ouest (Cl. C. Allard)

Travaillant dans des lieux et à des moments différents, il ne paraît pas qu’il y ait eu concertation entre ces artistes, qu’il s’agisse des sujets ou des manières de les traiter. On pourrait presque le croire, tellement l’unité se manifeste dans l’accrochage de la galerie. Cette belle rencontre non loin des travaux en voie de finition à Notre-Dame (de toute façon, à Paris, il y a toujours un chantier quelque part pas très loin), est à la fois une surprise et une réussite.

Maxime Préaud

1 – Le sens second est celui de « Rome », soit la Ville par excellence pour les Latins ; aussi, quand le pape délivre sa bénédiction « urbi et orbi », cela ne veut pas dire, comme le répètent à l’envi tous les journalistes, « à la ville et au monde », mais « à Rome et au reste du monde ».
nota bene : La galerie est ouverte de 14h à 18h, les mardis, mercredis et jeudis ; les vendredis et samedis sur rendez-vous. (contact@librairiesaintmichel.com)

 

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Lise Follier-Morales https://www.vuetlu.manifestampe.net/lise-follier-morales/ Wed, 23 Apr 2025 06:28:12 +0000 https://www.vuetlu.manifestampe.net/?p=4163 Exposition Itinéraires 1982-2024 Château des Comtes du Perche Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir) du 5 avril au 21 septembre 2025 Il s’agit ici d’une sorte de rétrospective de l’œuvre graphique de Lise Follier-Morales. Mais une rétrospective bien partielle, car cet ensemble de quelque cent-vingt pièces est une sélection plutôt sévère d’un travail multiforme commencé il y a plus … ]]>

Exposition Itinéraires 1982-2024
Château des Comtes du Perche
Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir)
du 5 avril au 21 septembre 2025

Il s’agit ici d’une sorte de rétrospective de l’œuvre graphique de Lise Follier-Morales. Mais une rétrospective bien partielle, car cet ensemble de quelque cent-vingt pièces est une sélection plutôt sévère d’un travail multiforme commencé il y a plus de quarante ans.

L’artiste s’est essayée à la plupart des techniques classiques, y compris le burin. Mais elle a aussi tenté le carborundum, et même le carton, dont sont présentés ici quelques témoignages. Toutefois la manière qui l’a véritablement passionnée est celle de la taille d’épargne, qui lui permet d’utiliser au mieux ses talents innés de coloriste, qu’elle exprime également dans ses travaux au pastel ou à la gouache dont on voit ici quelques exemples.

Transparences (Cl. A. Morales)

Si la linogravure en plusieurs planches n’a pas de secret pour elle, c’est surtout le travail à la planche perdue qui a suscité son enthousiasme et provoque l’admiration du visiteur, lequel ne peut qu’être épaté par la subtilité de ses réalisations, même s’il ne se rend pas toujours compte du talent et de la rigueur qu’exige la multiplication des passages de la même planche sous la presse, parfois jusqu’à quinze. Ceux qui en ont expérimenté la difficulté comprendront de quoi je parle.

Lise a été très inspirée par le papier dominoté, notamment à la suite de la publication en 2012 d’un magnifique livre sur le sujet par les éditions des Cendres1. Elle s’est donc lancée dans la dominoterie, avec succès, en améliorant considérablement le procédé, qui bénéficie maintenant d’une appellation nouvelle dans le vocabulaire technique de l’estampe, la dominographie. Elle avait réalisé, dès 2013, une belle exposition sur ce thème « De la dominoterie à la dominographie » à la bibliothèque municipale du Mans.

Bien qu’ayant quitté enfant sa Corée natale pour vivre en France (à Nogent-le-Rotrou comme par hasard, bien avant Paris), il semble que, si elle en a oublié la langue, tout ce qui est image chez elle la ramène à ses origines asiatiques, dans sa manière d’observer, d’imaginer et de représenter, l’œil suraigu sous la paupière légèrement bridée. Aussi n’est-on presque pas surpris de la voir faire rimer domino et kimono.

Dominos et kimonos (Cl. A. Morales)

Ainsi se justifie en partie le titre de l’exposition, « Itinéraires », ou allers et retours entre le IIe arrondissement de Paris, les villes de Séoul ou de Tokyo brillamment illuminées, le Japon enrichi de plusieurs vues du Mont Fuji qui rivalisent respectueusement avec les estampes de Hokusai, en s’arrêtant au passage pour caresser du regard et du pinceau une pomme, une poire et tout un bouquet de fleurs diverses.

Quelques vues du Mont Fuji (Cl. A. Morales)

Un petit catalogue (5 €), joliment illustré, accompagne le visiteur qui le souhaite, précédé de propos des édiles nogentais et d’une préface de Séverine Lepape, directrice du Musée national du Moyen Âge – Thermes et Hôtel de Cluny. L’exposition se tient dans les salles du musée de l’Histoire du Perche, installé dans le château des Comtes du Perche, belle bâtisse (naguère château Saint-Jean).

Maxime Préaud

1 – Marc Kopylov, « Papiers dominotés français ou L’art de revêtir d’éphémères couvertures colorées : livres & brochures entre 1750 et 1820 » ; avant-propos d’André Jammes, [Paris], Éd. des Cendres, 2012, 1 vol. (404 p.), ill. en coul. C’est ici l’occasion de mentionner une très belle exposition sur le sujet qui s’est tenue cet hiver à la bibliothèque patrimoniale de Rouen. Il n’y a pas de catalogue, mais on peut lire un long entretien avec le responsable de l’exposition, Michaël Monnier, « Éphémères couvertures de papier », dans le n° 366 (janvier-février 2025) d’Art et métiers du livre, p. 44-51, bien illustré.

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Eugène Viala https://www.vuetlu.manifestampe.net/eugene-viala/ Tue, 18 Mar 2025 19:41:33 +0000 https://www.vuetlu.manifestampe.net/?p=4143 Exposition à la Fondation Taylor 1 rue La Bruyère 75009 PARIS) 13 mars au 3 mai 2005 L’exposition devrait ravir les amateurs de l’estampe « visionnaire », voire « fantastique ». Environ une centaine de pièces sont présentées, non seulement les eaux-fortes enrichies d’aquatinte et de pointe sèche, mais également des dessins. Elles sont venues pour la plupart du … ]]>

Exposition à la Fondation Taylor
1 rue La Bruyère 75009 PARIS)
13 mars au 3 mai 2005

L’exposition devrait ravir les amateurs de l’estampe « visionnaire », voire « fantastique ». Environ une centaine de pièces sont présentées, non seulement les eaux-fortes enrichies d’aquatinte et de pointe sèche, mais également des dessins. Elles sont venues pour la plupart du musée Denys-Puech de Rodez (c’est l’occasion, pour l’ignorant qui écrit ces lignes, d’en apprendre l’existence, il ne connaissait que le musée Fenaille, lequel participe aussi) et de la collection de Jean Costecalde.

C’est encore de l’estampe qui se regarde de près (Cl. Maxime Préaud)

Cet amateur passionné de l’œuvre de Viala a en outre réalisé le catalogue raisonné de son œuvre gravé, publié en 2021 (édité par les musées Rodez agglomération et les éditions Liénart) et présenté au musée Fenaille en même temps qu’une première version de l’exposition. Le catalogue est remarquable par sa qualité et son poids, c’est un colossal in-4° de 632 pages ; abondamment illustré, il décrit les 434 estampes produites par l’artiste (il coûte tout de même 59 euros, mais c’est un prix justifié).

Une des pages du catalogue,
où l’on voit Viala se représentant lui-même
en train d’imprimer, eau-forte de 1911 (Cl. Maxime Préaud)

Viala travaille à l’eau-forte, rehaussée souvent d’aquatinte et de pointe sèche. Le noir domine, ce qui convient parfaitement aux sujets qu’il traite, qu’ils soient mythologiques, bibliques ou christiques, rien n’échappant à ses fantasmes particuliers, parfois érotiques (je recommande une remarquable « Tentation de saint Antoine », très originale, sous le n° 452 du catalogue), peuplés d’oiseaux inquiétants avec par-ci par-là de sympathiques dragons.

Cat. 279. « Gestes d’arbres, la Sorcière », entre 1900 et 1909
Eau-forte et aquatinte 32,6 x 25,1 cm
Gravure de la suite « Gestes d’arbres »
Collection particulière © Pierre Soissons

Son œuvre est très personnel, même si les références sont évidentes : on voit tout de suite qu’il a regardé attentivement les « Caprices » de Goya, de même que les estampes publiées d’après les dessins de Victor Hugo, mais il s’agit toujours de moteurs, il ne s’abandonne jamais à l’imitation. Les arbres, qui le passionnent, ont pour la plupart des allures torturées qui font penser aux travaux de Rodolphe Bresdin, qu’il aurait pu rencontrer.

Autoportrait d’Eugène Viala en 1908, plume, lavis et rehauts d’aquarelle. Collection particulière © Pierre Soissons

Autant d’occasions, pour le visiteur sensible et savant que vous serez, de partager la mélancolie que son autoportrait exprime magnifiquement.

Maxime Préaud

 

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